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MÉLANGES.

Nous avons dit dans un précédent article comment, au Brésil et dans la Colombie, des espèces toutes nouvelles apparaissaient sur divers points, après l’incendie des grands bois ; quelque chose de semblable se voit aux Canaries. Des végétaux d’Europe, arrivés à la suite des soldats européens, ont opéré aussi leur conquête, et continuent encore aujourd’hui à repousser la population primitive.

« Les races de plantes indigènes, dit M. de Buch, disparaîtront entièrement comme ont disparu les Guanches, anciens habitans de l’île, et bientôt sur les lieux même, il sera aussi impossible d’avoir des renseignemens sur leurs espèces et les lieux qu’elles occupaient, qu’il l’est maintenant d’en avoir sur la langue du peuple courageux qui, il y a quatre siècles, habitait encore ce pays. »

Les Espagnols, quand ils conquirent Ténériffe, trouvèrent trop long d’arracher les arbres de la famille des conifères, qui couvraient tout l’espace depuis les pentes jusqu’à la mer, ils les brûlèrent. La plupart des botanistes qui sont venus à Ténériffe, n’en ont pas une fois vu un seul pied, et il était réservé à M. Chr. Smith de prouver que ces bois étaient formés par une espèce très remarquable de pins.

À l’île de Fer, les bois en général ne s’avançaient pas aussi bas qu’à Ténériffe, mais ils couvraient toutes les hauteurs. « Le pays, dit Bontier, chapelain du sieur de Bethancourt, est très mauvais une lieue tout en tour par devers la mer ; mais sur le milieu du pays qui est moult haut, est beau pays et délectable ; et y sont les boccages grands et sont verds en toutes saisons, et y a des pins plus de cent mille, de quoi la plus grande partie sont si gros que deux hommes ne les sauraient embrasser, et y a des eaux en grand’-planté… »

Aujourd’hui que les arbres ont été abattus, les eaux sont devenues rares. À la vérité quelques auteurs ont prétendu qu’il en avait toujours été ainsi, et Dapper va jusqu’à dire qu’à l’époque de la conquête de l’île, les Européens, qui ne trouvaient d’eau nulle part, se voyaient menacés de mourir de soif. Suivant lui, ils allaient se retirer, lorsqu’une femme canarienne, par amour pour un des hommes de l’expédition, les conduisit vers l’arbre saint, que ses compatriotes avaient environné de branchages amoncelés, afin d’en dérober la connaissance aux étrangers.