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MÉLANGES.

encore aujourd’hui quelque chose d’analogue. J’eus l’occasion de l’apprendre à mes dépens lorsque je passai la première fois le Quindiù pour me rendre d’Ibague à Cartago. Me trouvant dans la région des chênes, sur une hauteur que les brouillards enveloppent une grande partie du jour, je fus mouillé par une ondée à laquelle j’étais loin de m’attendre, car le ciel était parfaitement serein. Un peu de vent qui agitait les arbres sous lesquels je marchais faisait tomber en pluie l’eau que les feuilles lisses de ces chênes avaient condensée, et qui s’y était réunie en nombreuses gouttelettes. Les parties découvertes du chemin indiquaient par leur sécheresse qu’il n’avait pas plu depuis plusieurs jours.

Dobereiner, dans ses Recherches sur l’influence de la pression atmosphérique dans le développement des végétaux, dit qu’un jeune Anglais qui traversait comme prisonnier l’Amérique espagnole, avait observé que, sur les hautes montagnes, les arbres, même par le temps le plus sec, exhalaient une quantité d’eau considérable, cette eau tombant quelquefois comme une véritable pluie.

On voit que le professeur d’Iéna considère l’eau comme fournie par les arbres et non par le brouillard ; il le dit même un peu plus loin en termes précis, et il pense que cette exhalation qui, suivant lui, n’a lieu que sur les hautes montagnes, est due à la diminution de pression atmosphérique. Mais il est très probable que si le phénomène se montre plus souvent sur les hauteurs, cela tient surtout à la propriété qu’ont les montagnes d’attirer les nuages, qu’on voit en effet comme fixés sur leurs flancs ou leur sommet, une grande partie du jour, lorsqu’on n’en aperçoit nulle part ailleurs.

Plusieurs botanistes, il est vrai, ont été conduits, par leurs observations et indépendamment de toute idée systématique, à admettre dans certains arbres une exhalation assez abondante pour produire des effets semblables à ceux dont parle M. Dobereiner. Parmi les divers exemples qu’on en cite, le plus frappant est celui du Cubæa pluviosa du Brésil (cesalpina pluviosa de Decandolle).

Ce cubæa est un grand arbre de la famille des légumineuses, dont le tronc est fort droit, et dont les branches s’élèvent à plus de cent pieds de hauteur. « Lorsque je m’approchai pour la première fois de cet arbre, dit le père Leandro del Sacramento, je sentis tomber