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d’ailleurs l’apprentissage serait trop long, et puis ma mère ni moi ne pouvons attendre.

— Que veux-tu, mon ami ! voilà tout ce que je puis t’offrir… ah ! et puis la moitié de ma bourse ; je n’y pensais pas, car cela n’en vaut guère la peine. — Il ouvrit le tiroir d’un petit bureau dans lequel il y avait, je me le rappelle, deux pièces d’or, et une quarantaine de francs en argent.

— Je vous remercie, général, je suis à peu près aussi riche que vous. — C’était moi qui avais à mon tour les larmes aux yeux. — Je vous remercie ; mais vous me donnerez des conseils sur les démarches que j’ai à faire ?

— Oh ! cela, tant que tu voudras. Voyons, où en es-tu ? — II reprit son pinceau, et se remit à peindre.

— J’ai écrit au maréchal duc de Bellune. —

Le général, tout en glaçant une figure de Cosaque, fit une grimace qui pouvait se traduire par ces mots : « Si tu ne comptes que là-dessus, mon pauvre garçon !… »

— J’ai encore, ajoutai-je, répondant à sa pensée, une recommandation pour le général Foy, député de mon département.

— Ah ! ceci, c’est autre chose. Eh bien ! mon enfant, je te conseille de ne pas attendre la réponse du ministre ; c’est demain dimanche, porte ta lettre au général, et sois tranquille, il te recevra bien. Maintenant veux-tu dîner avec moi ? nous causerons de ton père.

— Volontiers, général.

— Eh bien ! laisse-moi travailler, et reviens à six heures. —

Je pris aussitôt congé du général Verdier, et je descendis les quatre étages avec un cœur plus léger que je ne les avais montés ; les choses et les hommes commençaient à m’apparaître sous leur véritable point de vue, et ce monde, qui m’avait été inconnu jusqu’alors, se déroulait à mes yeux tel que Dieu et le diable l’ont fait, brodé de bon et de mauvais, taché de pire.

Le lendemain, je me présentai chez l’honorable général Foy. Je fus introduit dans son cabinet ; il travaillait à son Histoire de la Péninsule. Au moment où j’entrai, il écrivait debout sur une de ces tables qui se lèvent ou s’abaissent à volonté ; autour de lui étaient épars,