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nages héroïques, et ne comprend rien aux sentimens chevaleresques, à la courtoisie, à la délicatesse, à l’honneur civilisé ; ses héros ressemblent aux héros de l’histoire et du roman, comme le sabot du vigneron ressemble au soulier brodé de la duchesse. De longues et inutiles conversations, qui ralentissent et même qui font rétrograder la narration, des allusions quelquefois grossières, des expressions souvent inconvenantes, déparent encore ses ouvrages. Ce dernier défaut lui sera difficilement pardonné ; de tous les dix-neuf siècles qui termineront leur cours en l’an de grace 1900, le nôtre est le plus prude et le plus sévère, du moins en paroles.

À cette critique méritée, joignons un éloge non moins juste. Ses qualités d’écrivain sont nombreuses et remarquables. Il est original ; il n’emprunte, il ne détourne, il ne copie, il n’achète rien à personne ; il vit sur son propre fonds. Son vol est libre et indépendant. Si on lui proposait d’aller à la picorée sur les domaines d’autrui, il répondrait simplement : À quoi bon ? Il s’élance d’une aile ferme et rapide dans l’espace qui lui est assigné : prières ou reproches ne le détourneraient pas de la carrière qu’il a résolu de parcourir. Dans toutes ses fictions, on découvre un sentiment d’innocence pastorale et de grace naïve, dont la Brownie de Bodsbeck est un modèle achevé. Quand il lui plaît de rester simple, personne ne le surpasse. Quelques-uns de ses Contes des nuits d’Hiver sont charmans ; son Wool-Gatherer (le Tondeur de laine) est un chef-d’œuvre dans son genre. Il n’est jamais plus grand ni plus poétique que lorsqu’il fait planer sur les scènes champêtres un monde surnaturel, rempli d’élégance et de charisme. Qu’il n’essaie pas cependant de demander aux cloches de Bow-Street et au bruit de la cité ses magiques inspirations ; les fées et les gnômes respirent malaisément dans cette atmosphère empestée et brumeuse. Qu’il reste campagnard ; qu’il s’en tienne à sa vieille Écosse, au seul pays d’Europe où le peuple ait encore assez d’imagination pour chercher un génie dans la caverne, pour avoir peur d’un vieux fragment d’église. Peut-être Hogg est-il le dernier poète qui doive servir d’organe à ces superstitions populaires. L’industrie et les machines nous envahissent ; la spéculation a jeté son chemin de fer à travers les domaines de la poésie ; les fantômes et les sylphides ont pris l’essor et se sont évanouis élevant la lumière du gaz ; et nos petites fées bocagères ont cessé leurs rondes magiques, effarouchées par le bruit des roues de nos diligences et la trompette rauque du conducteur.


Thomas Hope, auteur d’Anastase, ne doit pas être oublié parmi les romanciers modernes. Il s’isole de tous ses rivaux, et son style paraît modelé à la fois sur le goût hellénique et sur le type oriental. Élève des