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LITTÉRATURE ANGLAISE.

vons-nous pas nos folies et nos faiblesses ? Nos passions, nos opinions, nos goûts, ne sont-ils pas de temps en temps fort prosaïques ? Le positif de la vie n’est-il pas toujours prêt à fouler aux pieds les plus belles et les plus fraîches de nos fleurs, comme ces animaux indisciplinés dont la marche pesante écrase sur les plates-bandes nos violettes et nos œillets ? Le mauvais levain de la nature humaine est malheureusement un ingrédient nécessaire de ce monde. La rose est plus belle sur sa tige armée de pointes acérées qu’au milieu du bouquet composé par la jardinière ; et la vertu brille d’un plus pur éclat, environnée de tant de vices et de tentations.

Ce qui est étrange, c’est que Wilson, plus que personne, sait comprendre non seulement le côté poétique et idéal, mais le côté prosaïque et positif des choses humaines. Lisez ses critiques dans le Blackwood. Avec quelle finesse, quelle verve spirituelle, quelle fécondité vive et maligne il distribue l’éloge et le blâme !

Ombre et lumière de la vie écossaise[1], Épreuves de Marguerite Lindsay, le Bûcheron, tels sont les titres de ses principaux romans, que le public a eu le bon goût d’adopter. Ils respirent un sentiment tendre, délicat, naïf ; les personnages qui s’y jouent ne sont pas destinés seulement à figurer dans les quadrilles, mais à être femmes et mères, filles et frères, à aimer, à se dévouer, à souffrir, à remplir noblement et modestement leur carrière. Ses femmes surtout sont d’une modestie et d’une grace toute rayonnante, tout éthérée.

Wilson a les élémens du génie, dans toute l’étendue de ce mot. Sa puissance intellectuelle est forte et variée. Je ne sais quel genre d’ouvrage serait au-dessus de ses forces ; qu’il essaie tout, il accomplira toutes les merveilles excepté celle de se rajeunir. Mais, grace à Dieu, il est encore aussi éloigné de la vieillesse que de l’adolescence.


Horace Smith a débuté par la publication de quelques parodies qui ont eu beaucoup de succès et qui le méritaient. Jamais les vers de Crabbe et ceux de Scott n’ont été imités avec une plus étonnante exactitude ; ce n’était pas une imitation, mais un fac-simile complet.

Ensuite il a marché sur les traces de Walter Scott, et, sans atteindre le degré de perfection du maître, il a créé des ouvrages dignes d’estime, par exemple Tor-Hill et le Manoir de Brambletye, qui prouvent de l’habileté, l’art d’inventer des incidens vraisemblables, des caractères bien posés, des situations heureuses, et de jeter sur le drame une couleur de réalité locale. Mais le grand magicien d’Écosse avait quelque

  1. Ces ouvrages ont été traduits en français, et attribués par le traducteur, non pas à John Wilson, mais à M. Allan Cunningham lui-même, auteur de ces essais.