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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.


ces ravages, une terreur universelle se répandit d’un bout à l’autre de l’ancienne province d’Aquitaine, depuis la Loire jusqu’aux Pyrénées. Ce vaste et beau pays où les Franks étaient entrés soixante ans auparavant, non comme ennemis de la population indigène, mais comme adversaires des Goths, ses premiers dominateurs, et comme soldats de la foi orthodoxe contre une puissance hérétique, ce pays privilégié où la conquête avait passé deux fois sans laisser de traces, où les mœurs romaines se propageaient presque intactes, et où les princes germains d’outre Loire n’étaient guère connus que par leur réputation de parfaits catholiques, fut subitement arraché au repos dont il jouissait depuis un demi-siècle. Le spectacle de tant de cruautés et de sacriléges frappait les esprits d’étonnement et de tristesse. On comparait la campagne de Theodebert, en Aquitaine, à la persécution de Dioclétien[1] ; on opposait, avec une surprise naïve, les crimes et les brigandages commis par l’armée de Hilperik aux actes de piété de Chlodowig-le-Grand, qui avait fondé et enrichi un si grand nombre d’églises. Des invectives et des malédictions en style biblique sortaient de la bouche des évêques et des sénateurs aquitains, dont la foi chrétienne était tout le patriotisme, ou bien ils se racontaient l’un à l’autre, avec un sourire d’espérance, les miracles qui, selon le bruit public, s’opéraient en différens lieux pour punir les excès des barbares[2]. C’était le nom qu’on donnait aux Franks ; mais ce mot n’avait par lui-même aucune signification injurieuse ; il servait en Gaule à désigner la race conquérante, comme celui de Romains la race indigène.

Souvent l’accident le plus simple faisait le fond de ces récits populaires que des imaginations frappées coloraient d’une teinte

    interficit, monasteria virorum dejicit, puellarum deludit, et cuncta devastat. Greg. Turon., lib. IV, pag. 228.

  1. Fuitque illo in tempore pejor in ecclesiis gemitus, quàm tempore persecutionis Diocletiani. Greg. Turon., lib. IV, pag. 228.
  2. Et adhùc obstupescimus et admiramur cur tantæ super eos plagæ irruerint : sed recurramus ad illud quod parentes eorum egerunt, et isti perpetrant. Illi de fanis ad ecclesias sunt conversi ; isti quotidie de ecclesiis prædas detrahunt. Illi monasteria et ecclesias ditaverunt ; isti eas diruunt ac subvertunt. Greg. Turon., lib. IV, pag. 228.