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casion de nous battre et de gagner des richesses, autrement nous ne retournons pas dans notre pays[1] ». Cette menace pouvait amener une nouvelle conquête territoriale au sein de la Gaule, et le démembrement de la domination franke ; mais Sighebert n’en fut nullement troublé ; et joignant à une contenance ferme des paroles de douceur et des promesses, il parvint, sans trop de peine, à calmer cette colère de sauvages.

Le camp fut levé, et l’armée se mit en marche pour regagner les bords du Rhin. Elle prit le chemin de Paris, mais ne passa point par cette ville, dont Sighebert, fidèle à ses engagemens, respectait la neutralité. Sur toute leur route les colonnes austrasiennes ravagèrent les lieux qu’elles traversaient, et les environs de Paris se ressentirent long-temps de leur passage. La plupart des bourgs et des villages furent incendiés, les maisons pillées, et beaucoup d’hommes emmenés en servitude, sans qu’il fût possible au roi de prévenir ou d’empêcher de tels excès. « Il parlait et conjurait, dit l’ancien narrateur, pour que ces choses n’eussent pas lieu, mais il ne pouvait prévaloir contre la fureur des gens venus de l’autre côté du Rhin[2] ». Ces païens n’entraient dans les églises que pour y commettre des vols. Dans la riche basilique de Saint-Denis, l’un des capitaines de l’armée prit une pièce d’étoffe de soie brochée d’or et semée de pierres précieuses qui couvrait le tombeau du martyr ; un autre ne craignit pas de monter sur le tombeau même pour atteindre de là, et abattre avec sa lance une colombe en or, figure du Saint-Esprit, suspendue aux lambris de la chapelle[3]. Ces pillages et ces profanations

  1. Tunc ex gentibus illis contra eum quidam murmuraverunt, cur se à certamine substraxisset. Sed ille, ut erat intrepidus, accenso equo, ad eos dirigit. Greg. Turon., lib. IV, pag. 229. — Adversùs Sigibertum rumorem levant, dicentes : Sicut promisisti, da nobis ubi rebus ditemur, aut præliemur ; alioquin ad patriam non revertimur. Fredegarii hist. Francor. epitomata, pag. 307.
  2. Vicos quoque, qui circa Parisius erant, maximè tunc flamma consumsit ; et tàm domus quàm res reliquæ ab hoste direptæ sunt, ut etiam et captivi ducerentur. Obtestabatur enim rex ne hæc fierent : sed furorem gentium, quæ de ulteriore Rheni amnis parte venerant, superare non poterat. Greg. Turon., lib. IV, pag. 229.
  3. Adriani Valesii Rerum francicarum, lib. XI, pag. 55.