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pour ceux du royaume d’Austrasie, une cause de vives inquiétudes[1]. Les Austrasiens étaient peu désireux d’avoir pour voisins en Gaule des gens qu’ils regardaient comme leurs ennemis naturels ; et de leur côté les Neustriens se voyaient menacés de l’expropriation, de l’asservissement politique, de tous les maux qu’entraîne une conquête territoriale. Les premiers firent entendre au roi des remontrances et des murmures ; les seconds transigèrent avec lui. Après avoir délibéré sur ce qu’il convenait de faire dans une conjoncture aussi périlleuse, les seigneurs et les arimans de la Neustrie adressèrent à Sighebert un message conçu en ces termes : « Les Franks qui, autrefois regardaient du côté du roi Hildebert, et qui depuis, sont devenus hommes-liges du roi Hilperik, veulent maintenant se tourner vers toi, et se proposent, si tu viens les trouver, de t’établir roi sur eux[2]. »

Tel était le langage tant soit peu bizarre de la politique germaine, et c’est de cette manière que les Franks exerçaient leur droit de quitter le prince qui les gouvernait, et de passer sous l’obéissance d’un autre descendant de Merowig. La puissance royale, pour chacun des fils de Chlother, consistait bien moins dans l’étendue et la richesse des territoires qui formaient son royaume, que dans le nombre des hommes de guerre qui s’étaient rangés sous son patronage, et qui, selon l’expression germanique, obéissaient à sa bouche[3]. Il n’y avait rien de fixe ni de stable dans la répartition de la population franke entre les rois dont elle fai-

  1. Sigibertus verò obtentis civitatibus illis, quæ citrà Parisius sunt positæ, usque Rothomagensem urbem accessit, volens easdem urbes hostibus cedere ; quod ne faceret, à suis prohibitus est. Greg. Turon., lib. IV, pag. 230.
  2. Tunc Franci, qui quondam ad Childebertum adspexerant seniorem, ad Sigibertum legationem mittunt, ad eos veniens, derelicto Chilperico, super se ipsum regem stabilirent. Greg. Turon., lib. IV, pag. 230. — Convertimini ad me ut sub meâ sitis defensione. Ibidem, lib. II, pag. 184.
  3. Mund, d’où viennent les mots mundeburdis, mnndiburdium, mundeburde, etc. Sub sermone tuitionis nostræ visi fuimus recepisse, ut sub mundeburde vel defensione inlustris viri illius majoris domûs nostri… Marculfi monachi formul. Apud script. Rerum francic., tom. IV, pag. 477.

    D’après certains radicaux des langues teutoniques, la bouche était pour les anciens Germains le symbole de l’autorité, et l’oreille celui de la dépendance.