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MÉLANGES.

vés et où la succession des cultures aux rastrojos, et des rastrojos aux cultures constitue un système de jachères presque aussi régulier que celui d’Europe, quoique peut-être plus mal entendu encore. Cependant certaines localités ont offert un phénomène analogue à celui de l’invasion du capim gordura, mais cela a eu lieu plutôt pour les pâtures que pour les terres cultivées. Voici, par exemple, ce que j’ai vu à Cartago, charmante petite ville située dans la vallée du Cauca par les 4° 54, de lat. N.

Lorsqu’en 1540, le capitaine Jorge Robledo fonda cette ville, le fond de la vallée était en grande partie couvert d’arbres élevés comme ceux qui restent encore sur la rive droite de la rivière de la Vieille (Rio de la Vieja)  : ces arbres furent aussitôt abattus, et c’est ce qui arrivait presque toujours en pareil cas ; car les conquérans, habitués à l’aspect des campagnes nues de l’Espagne, trouvaient que la présence des bois donnait au pays quelque chose de sauvage. Il y avait ici, d’ailleurs, un assez bon prétexte, c’était la nécessité de dégager les abords de la ville, afin que les Indiens ennemis, qui étaient alors très nombreux dans les deux cordillères, ne pussent s’approcher sans être aperçus. Une grande partie des terrains ainsi dépouillés ne fut pas employée pour la culture. Ils se couvrirent d’arbustes qui, arrachés successivement et broutés par le bétail, firent place à d’excellens pâturages d’une herbe fine et succulente. Il y a cinquante ans à peu près que ces prairies jusqu’alors parfaites ont commencé à être envahies par une plante traçante, nommée en quelques endroits correjuela, et dans d’autres batato, à cause de sa ressemblance avec la patate douce, convolvulus batata. Cette plante, qui se multiplie avec une merveilleuse facilité, par ses racines autant que par ses graines, comme le fait notre liseron commun, étouffe le gazon sur lequel elle s’étend, de sorte qu’au bout d’un petit nombre d’années des prairies excellentes sont devenues complètement inutiles pour la nourriture du bétail : c’est un véritable fléau pour les habitans, qui n’ont pu encore, malgré diverses tentatives, trouver le moyen d’en borner les progrès.

Si la plante continue à gagner du terrain, comme cela est assez probable, il ne s’ensuit pas cependant qu’elle doive rester complètement maîtresse du sol ; et, quand elle aura fait tout périr au-