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Vous n’exigerez pas que je vous trace l’histoire de toutes les négociations diplomatiques de M. Sébastiani. Cette lettre est déjà bien longue ; je me bornerai à vous dire bien sommairement les causes du rappel du général Guilleminot, qui occupait le poste d’ambassadeur à Constantinople au moment où éclata la révolution de Pologne. Dans les longues négociations relatives à la Grèce, dont il avait été chargé, le général Guilleminot avait eu souvent l’occasion de reconnaître avec quelle inquiétude l’Autriche voyait la Russie approcher de toutes parts de ses frontières, et il s’était assuré que le cabinet de Vienne n’eût pas vu avec déplaisir un peuple indépendant s’interposer entre ses possessions et cette vaste Russie dont le contact lui semblait si importun et si dangereux. L’Angleterre avait aussi montré quelques inquiétudes à Constantinople lorsque la Russie, ayant franchi les Balkans, semblait se disposer à poser un pied sur les bords de la Méditerranée. Il jugea donc qu’il pouvait compter sur l’assentiment tacite de ces deux puissances, et remit au divan une note où l’indépendance de la Pologne était présentée comme une garantie de l’existence et de l’indépendance de l’empire ottoman. M. Sébastiani lui-même n’eût pas fait mieux. En même temps, M. Guilleminot fit connaître, par une dépêche, cette démarche au ministre des affaires étrangères, qui ne songea pas à la désapprouver, jusqu’au jour où M. Pozzo di Borgo vint se plaindre à lui, au nom de l’empereur son maître, des notes hostiles de M. Guilleminot contre la Russie. Le lendemain, le général Guilleminot fut rappelé par le Moniteur, ce qui est une sorte d’injure. On le sacrifia comme on avait sacrifié la Belgique, la Pologne et son propre honneur, à l’effroi qu’inspirait la Sainte-Alliance. Mais ce qu’on ne saurait croire, c’est que le ministre feignit de n’avoir pas reçu la dépêche de M. Guilleminot, qui avait été expédiée en double, et que le mystère dont on l’accuse de s’être entouré fut la seule cause apparente de sa disgrace. On essaya d’apaiser M. Guilleminot comme on avait essayé d’apaiser M. Bresson, mais j’ignore s’il accepta les dédommagemens qui lui furent offerts.

Un dernier mot sur les actes de ce curieux ministère. Vous avez entendu parler, monsieur, des réclamations que les États-Unis d’Amérique élevèrent de nouveau, il y a peu de temps, contre la