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Cette réponse n’a pas plu au ministre, dit-on, et il y a lieu de croire que ni M. Véron ni Mlle Taglioni ne figureront dans la promotion du nouvel an.

— On ignore peut-être que Rubini est marquis, marquis de Mazzano, possédant un titre, et, ce qui vaut mieux, un superbe marquisat dans le pays Bergamasque. On ne savait pas que Rubini fût gentilhomme, mais on ignorait aussi qu’il est homme d’esprit. On ne suppose pas tant de qualités à un virtuose qui pourrait s’en passer. « Che scelerata parte di donna Anna ! disait une jeune et belle Italienne à la répétition de don Giovanni. Cette musique tudesque vaut-elle ce que nous chantons tous les jours ? Semiramide, Anna Bolena, sont bien au-dessus de l’œuvre de Mozart pour la mélodie et l’effet. » Rubini, qui entendait cette apostrophe singulière, répond avec un sourire malin : «  Giulia, ti prego, non parlar politica, sta chieta, mia cara, alle donne questo non conviene : Julie, je t’en prie, ne parle pas politique ; tais-toi, ma chère, cela ne convient pas aux dames. »


M. Charles Nodier a été reçu à l’Académie française dont il se moquait avec tant de verve depuis plus de vingt ans. M. Nodier a continué de poursuivre ce corps sacré jusque dans son discours de réception, où il déclare que l’honneur d’être admis dans son sein était au-dessus de toutes ses espérances. M. Nodier, l’homme le plus fin, l’écrivain le plus caustique avec les formes les plus bienveillantes, véritable philosophe de l’antiquité, qui s’est approprié la douce ironie de Socrate, a continué une demi-heure de railler sur ce ton l’académie, et l’académie lui a répondu le plus sérieusement du monde par l’organe de son directeur, M. Jouy. M. Jouy est un de ces hommes osés, de ces beaux esprits ruinés, qui ont vécu pendant vingt ans du monopole littéraire, et qui se sont élevés à une certaine renommée en se faisant un piédestal des travaux de quelques jeunes gens d’esprit et de talent, dont ils ont vainement voulu arrêter l’essor. Aujourd’hui M. Jouy, cantonné dans le fauteuil académique, doté d’une sinécure, se donne le passe-temps de déclamer contre cette jeune littérature à laquelle il devrait quelques restitutions dans son testament et une amende honorable. Il nomme anarchie un état de choses où il n’est plus permis à quelques vieillards impotens de s’emparer des pensées et du labeur d’autrui, et d’attacher à leur glèbe les imaginations jeunes et vigoureuses, comme cela se pratiquait autrefois. Nous concevons les regrets de M. Jouy, mais nous ne les partageons pas, et pour toute réponse aux plaintes de l’illustre académicien, nous nous contenterons de lui montrer ses œuvres, plongées aujourd’hui dans un oubli profond.


— Un beau drame de M. Alexandre Dumas, intitulé Angèle a obtenu un immense succès au théâtre de la Porte St-Martin. C’est la meilleure réponse que M. Dumas pouvait faire aux détracteurs récens qui avaient dépassé à son égard toutes les bornes de l’équité. Nous consacrerons un article, dans notre prochain numéro, au drame de M. Dumas. Nous tâcherons d’y apprécier le caractère de son talent dramatique, qui ne s’est nulle part montré avec une spontanéité plus entraînante et plus incontestable. Le public n’a pas un seul instant résisté à des scènes tour à tour spirituelles et pathétiques, toujours rapides et vives. M. Dumas a été merveilleusement secondé de ses acteurs, et particulièrement de M. Bocage et de la charmante Mlle Ida.


— L’arrivée à Paris de l’obélisque de Louqsor donne tout l’intérêt de l’à-propos à la notice archéologique, avec figures et interprétations des hiéroglyphes, que vient de publier M. Firmin Didot.