Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
REVUE. — CHRONIQUE.

C’est dans l’admirable collection des manuscrits et des dessins inédits de feu Champollion, acquise par une loi de l’État, qu’on a puisé les matériaux de ce petit ouvrage. Dans ses belles lettres écrites d’Égypte et de Nubie, et publiées récemment, M. Champollion, qui passa plusieurs mois dans la vallée mortuaire de Biban el Molouk, sur le territoire de Thèbes, avait donné de curieux renseignemens sur le palais de Louqsor, ou plutôt sur les palais de Louqsor. Cet illustre savant reconnut qu’ils avaient été fondés par Aménothph iii de la xviiie dynastie. Ce prince a bâti la série d’édifices qui s’étend du sud au nord, depuis le Nil jusqu’aux quatorze colonnes de quatorze pieds de hauteur, sur lesquelles on lit des dédicaces faites au nom de ce roi. C’est celui que les Grecs nommèrent Memnon, et dont la statue colossale avait, disent les anciens, une propriété si merveilleuse.

Champollion le jeune continue ainsi la description des ruines de Louqsor :

« Toute la partie des édifices au nord des quatorze colonnes est d’une autre époque. C’est à Rhamsès-le-Grand (Sésostris) qu’on doit ces constructions. Il a eu l’intention, non pas d’embellir le palais d’Aménophis, son ancêtre, mais de construire un édifice distinct, ce qui résulte évidemment de la dédicace sculptée en grands hiéroglyphes au-dessus de la corniche du pylône, et répétées sur les architraves de toutes les colonnades que les cahutes modernes n’ont pas encore ensevelies. Le Rhamesseïon, palais de Rhamsès-Sésostris, fut donc entrepris près d’un siècle après l’Aménophion ou palais d’Aménophis-Memnon. Le Rhamesseïon est un des ouvrages de Sésostris ; on n’y observe que quelques faibles réparations faites au nom de l’Éthiopien Sabacon et de Ptolémée Philopator. L’entrée du Rhamesseïon est majestueusement annoncée par deux obélisques élevés en avant du pylône. » C’est l’un de ces obélisques qui a été transporté en France, et qui va s’élever sur la place de la Révolution.

Champollion jeune travailla six mois consécutifs sous les murs de Thèbes avec une ardeur et une persévérance qui devaient bientôt lui coûter la vie. Il releva le plan et les détails de tous les monumens de Thèbes, et ce travail forme une suite de dessins d’un prix inestimable. Il dessina de nouveau les deux obélisques, et fit un nombre infini de corrections aux gravures toutes inexactes de ces monumens, publiées jusqu’à ce jour.

Avant le séjour de Champollion à Thèbes, aucun voyageur n’avait pu voir l’obélisque jusqu’à sa base, ni relever la fin des neuf inscriptions qui occupent les trois faces.

Champollion fit fouiller et mettre à découvert la base de l’obélisque, et il compléta ainsi sa copie.

Au mois d’octobre 1818, M. Champollion, alors en Égypte, fut informé par son frère que le pacha d’Égypte avait donné à la France l’un des deux obélisques d’Alexandrie, dits de Cléopâtre, et l’autre à l’Angleterre.

Le 10 janvier 1819, un officier de la marine anglaise vint, par ordre de son gouvernement, sonder le port neuf d’Alexandrie. Il reconnut que les obélisques ne pourraient être embarqués qu’au moyen d’une longue et large chaussée s’étendant du rivage jusqu’au point en mer où le bâtiment pourrait recevoir l’obélisque. Il estima cette dépense à 300,000 fr., et l’Angleterre parut renoncer, à cause des frais, au présent que lui faisait le vice-roi.

Champollion écrivit bientôt de Elmelissah et de Thèbes : « Je suis bien aise que l’ingénieur anglais ait eu l’idée d’une chaussée de 300,000 francs pour dégoûter son gouvernement, et par contre-coup