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LITTÉRATURE ANGLAISE.

armée avec un talent et un courage dignes de ses ancêtres. Lorsqu’il est vaincu, non par la trahison ni par la force, mais par les élémens, il se résigne à la mort avec une dignité qui dément les assertions de ses ennemis. C’est le chef-d’œuvre des créations de Byron. Le personnage de Myrrha, esclave du harem, élevée par sa beauté, ses biens et son courage, au rang de confidente et de compagne de Sardanapale, est le plus beau que je connaisse.

Les Deux Foscari sont évidemment inférieurs à Manfred et à Sardanapale ; parmi les personnages il en est peu qui soient au-dessus du médiocre ; la pièce est toute poésie, et ceux qui la siffleraient au théâtre, l’applaudiront dans le silence du cabinet. Quant à Caïn, il suffit de dire qu’il fut écrit dans un but impie, et que, malgré de beaux morceaux de poésie, ce n’en est pas moins un ouvrage manqué. Jamais il ne sera compris par le public en général ; nous n’aimons déjà pas beaucoup le diable tel qu’il était autrefois mais s’il joint la métaphysique aux autres terreurs dont il nous assiège, nous le détesterons et l’éviterons encore plus soigneusement. Les pièces de Byron ont augmenté les trésors de poésie dramatique ; elles abondent en sublimes élans d’imagination, en dialogues vigoureux, et l’on y trouve des passages dont rien ne peut égaler la sublimité,


Il y a beaucoup d’énergie sauvage dans le Bertram de Maturin ; il y avait autrefois mêlé une teinte surnaturelle que, cédant au goût du public, l’auteur a définitivement retranchée. Bertram parut sous les auspices de Scott et de Byron, et pendant quelque temps la critique, respectant ces hauts personnages, épargna ce style incohérent, ces incidens improbables, et cette violence allant jusqu’au délire. C’est une œuvre étrange, elle étonne ; les défauts dont elle fourmille appartiennent au génie. Maturin n’est jamais monotone, ni ennuyeux ; il est plutôt trop plein de mouvement, de passion, trop extatique. Les incidens les plus ordinaires n’arrivent que d’une manière bizarre et forcée. Maturin avait cependant un beau talent, il dessine pour l’œil comme pour l’esprit, et fait preuve d’une grande connaissance de la nature.


Le Fazio de Milman lui a valu une place distinguée parmi les auteurs dramatiques modernes. Il tentait, disait-il, un essai pour ressusciter le vieux drame national en y joignant une grande simplicité d’intrigue. Plusieurs des intrigues de nos anciennes pièces sont assez simples et assez naturelles ; mais si, en bâtissant sa fable, Milman a évité la confusion, il a inventé un incident qui le force à triompher de grandes difficultés ; aussi, lorsque nous devrions être émus par le mouvement de la scène, nous ne sommes occupés qu’à admirer l’adresse de l’auteur. La pièce se trouvant