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LITTÉRATURE ANGLAISE.

dinaire, et plusieurs Magasins offrent des articles pleins d’esprit et de goût. Deux écrivains, de talens et de sexe différens, ont dernièrement contribué à défendre la cause du génie : ce sont les auteurs de l’Angleterre et les Anglais et des Héroïnes de Shakspeare. Dans le premier de ces ouvrages, M. Bulwer a soutenu la supériorité du génie naturel, et réclamé pour le sentiment et l’imagination la place élevée que d’autres nations leur ont assignée ; dans le second, mistriss Jamieson, nous a révélé, pour ainsi dire, avec le tact le plus exquis, les secrets de son sexe, en nous initiant à la nature féminine, telle qu’elle apparaît dans Shakspeare. Ils ont accompli l’un et l’autre les devoirs les plus importans du critique : Bulwer s’est dépouillé de l’esprit de parti, et a repoussé loin de lui la frivolité des factions : il fait l’examen du génie que sa patrie a produit, et cherche à obtenir pour lui la justice que les princes et les puissances lui refusent ; il réclame pour la raison, le mérite et le talent, la distinction personnelle dont ils jouissent devant Dieu, et recommande aux poètes de s’unir pour recouvrer leur droit d’aînesse. Mistriss Jamieson prouve que les portraits d’après nature, tracés par les poètes, sont les plus beaux et les plus fidèles ; que les portraits que Shakspeare a dessinés sont préférables à sept acres de toile barbouillée par le pinceau classique. Ses invincibles argumens ont rendu au mérite de l’invention la place à laquelle il a droit, et plaidé victorieusement la cause pour laquelle Wordsworth a écrit son Excursion, et Bulwer le dernier et le meilleur de ses ouvrages.


J’ai terminé l’œuvre que je me proposais d’accomplir, l’esquisse biographique de la littérature anglaise pendant les cinquante dernières années. Qu’on ne me reproche pas la faiblesse de cet essai et les erreurs que j’ai pu commettre. Je l’ai dit, c’est un paysan qui exprime, non son jugement, mais l’impression qu’ont laissée dans son esprit les hommes les plus remarquables de son époque. Que de plus savans et de plus habiles que moi corrigent ce qu’il y a d’incomplet et de vague dans mon travail ; du moins j’ai parlé consciencieusement. Peut-être la liberté de mes remarques, et plus encore mes éloges que mes critiques, auront déplu à des hommes que je respecte et dont le jugement est pour moi une loi. J’ai parlé des morts, de ceux que j’aimais, de ceux qui bientôt peut-être suivront dans la tombe les amis que j’ai perdus. Il était naturel que je parlasse d’eux avec sensibilité, même avec éloge.

Je n’ai pas essayé de classer systématiquement nos grands hommes ; je n’avais à traiter qu’un fragment d’histoire littéraire, et l’époque dont je