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mières précieuses, et alors il se voit forcé de réfuter, sans aigreur, mais avec une sévère courtoisie, l’indulgent historien des Medici, Thomas Roscoe, qui trop souvent a jugé les hommes sur les vertus de son cœur. — Benvenuto Cellini a donné sur Michel-Ange quelques détails qui seraient sans doute désavoués par Vasari et Condivi. Mais au milieu des incroyables et sublimes hâbleries dont il a rempli son livre, il ne faut pas s’étonner s’il a essayé de justifier sa conduite en prenant pour complices Jules Romain et Michel-Ange. D’ailleurs, le mensonge auquel je fais allusion, si c’en est un, comme j’incline à le croire, n’ôte rien à la haute estime de Benvenuto pour le grand maître, et les désordres qu’il raconte ne sont, dans sa pensée, qu’une joyeuse espièglerie.

Michel-Ange, né le 6 mars 1474, au château de Caprese, dans le territoire d’Arezzo, descendait de l’ancienne et illustre maison des comtes de Canossa. Son père, Louis Léonard Buonarroti Simoni, était podestat de Caprese et de Chiusi, et vivait mesquinement de son emploi, sans essayer d’agrandir sa fortune par une industrie qui aurait terni l’éclat de son nom.

Frappé de la précoce intelligence de son fils, il conçut le projet d’en faire un savant. Mais son espérance fut bientôt trompée. Le jeune Michel-Ange se lia d’amitié avec Francesco Granacci, élève du Ghirlandaio, lui emprunta des gravures et des crayons, et se mit à les copier. Son goût pour le dessin, qui avait débuté en charbonnant les murs de la ville, se développa rapidement avec l’aide de Granacci. Son père et son oncle, qui voyaient dans la pratique de l’art un déshonneur pour la famille, opposèrent une vive résistance ; mais enfin il fallut céder. Les juges les plus difficiles ne pouvaient refuser leur admiration aux essais du jeune artiste ; ils prédirent au podestat qu’une vocation aussi manifeste saurait bien triompher des obstacles qu’on lui susciterait. D’après leurs conseils, Michel-Ange fut placé chez Domenico Ghirlandaio, le maître le plus célèbre de son temps. Il devait demeurer trois ans dans son atelier. Son engagement, qui nous a été conservé par Vasari, portait que le maître paierait à son élève, d’année en année, six, huit et dix florins. Michel Ange avait alors quatorze ans. Ainsi Ghirlandaio, aux termes de son traité, semblait plutôt l’associer à ses travaux que l’admettre à ses leçons.