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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

mausolée. Ce fut donc réellement à son ennemi le plus acharné que Michel-Ange dut l’occasion de ce glorieux ouvrage.

Comme il ignorait le travail de la fresque, il se défendit longtemps d’accepter la décoration de la chapelle sixtine. Enfin, il se rendit aux sollicitations du pape et fit venir de Florence les meilleurs peintres de fresques pour apprendre la pratique du métier, et, s’il en était besoin, pour les appeler à son aide. Mais à peine les eut-il mis à l’œuvre, qu’il conçut pour leur insuffisance un mépris sans réserve et les congédia sur-le-champ. Il s’enferma et crut pouvoir travailler seul. Arrivé à moitié du premier tableau, toute la peinture se couvrit d’une croûte épaisse. Michel-Ange allait renoncer, lorsque San-Gallo, envoyé par Jules ii, reconnut que l’enduit qui servait de fond était trop détrempé et fit refaire sur le mur une préparation plus convenable.

Rassuré désormais sur le succès de son entreprise, Michel-Ange rompit brusquement avec tous ses amis ; il s’enferma seul avec son génie, couchant tout habillé, dormant à peine quelques heures, ne se fiant qu’à lui-même de la préparation de ses couleurs, ne permettant qu’à grand’peine à Jules ii d’assister à ses travaux. Un jour même on assure que, furieux d’être interrompu par le pape, il jeta du haut de son échafaud, sur les dalles de l’église, une planche qui tomba au pied du visiteur importun et le couvrit de poussière. Mais Jules ii savait pardonner à la colère de l’artiste inspiré.

Bramante, pendant l’absence de Michel-Ange, introduisit furtivement Raphaël, qui profita de cette leçon pour agrandir son style.

Jules ii avait fait abattre les échafauds pour jouir plus tôt de la vue de ce chef-d’œuvre. Il restait encore toute une moitié de la chapelle à peindre. Les biographes de Michel-Ange sont unanimes dans leur accusation contre Bramante qui aurait voulu enlever à son rival des travaux si glorieusement commencés. Quelques-uns même ont insinué que Raphaël n’était pas étranger à ces intrigues. Jules ii résista courageusement aux sollicitations de Bramante, et Michel-Ange se remit à la chapelle. Cependant le pape impatient importunait l’artiste de ses visites. — Quand finiras-tu cette chapelle ? — Quand je pourrai. — Faudra-t-il jeter bas les échafauds ? — Pour toute réponse à cette menace, Michel-Ange fit si bien