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à la prison. Ce qui advint de ce dernier, nous ne savons ; mais le premier est aujourd’hui le principal administrateur civil des affaires de l’église d’Angleterre.

Brougham fut long-temps traité avec injustice par la cour, en raison de sa conduite lors du procès de la reine. On refusait de lui conférer une dignité sans laquelle aucun avocat, à titre de conseil, ne peut prendre en mains la direction absolue d’une cause. Cette dignité est conférée par le lord-chancelier, et consiste à porter une robe de soie. L’objet même de cette distinction montre qu’elle devrait en tout temps être accordée à tous les postulans qui possèdent un talent et une clientelle suffisante. Cependant elle fut refusée à Brougham jusqu’en 1827.

Revenons à la vie publique de lord Brougham qui présente un intérêt plus général. Il se fit connaître comme homme d’état en 1808 par son plaidoyer contre les ordonnances du conseil. Ces ordonnances, on le sait, étaient une sorte de représailles contre le décret de Berlin de Napoléon ; elles fermaient les portes de l’empire britannique à tous les produits étrangers et coloniaux. Les puissances neutres étaient extrêmement maltraitées des deux parts, et ce fut en leur faveur que furent prononcés la plupart des plaidoyers dirigés en Angleterre contre ces ordonnances. Brougham n’entra au parlement qu’en 1810, comme député de Camelford, bourg-pourri de lord Darlington. S’il n’est pas arrivé plus tôt à ce terme suprême de l’ambition, c’est uniquement faute de patronage ; il n’a dû son avènement parlementaire qu’à ses talens personnels et à l’évidente utilité de sa puissance oratoire et littéraire pour son parti. Ses premiers débuts au parlement ne furent pas heureux, il ne s’éleva pas tout à coup au premier rang dans l’arène législative ; mais ses efforts répétés, son étude assidue des manœuvres de l’ennemi, son activité infatigable à défendre ses amis, et à châtier sans pitié toutes les fausses démarches de ses adversaires, tels furent les élémens progressifs de sa puissance parlementaire. Ceux qui sont familiarisés avec la tactique d’une assemblée anglaise connaissent toute l’importance de ses rares qualités. Les orateurs les plus distingués pour l’éclat de leurs discours préparés ont généralement manqué le but qu’on doit se proposer dans la chambre des communes, l’autorité décisive et concluante, parce qu’ils ne