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il est regardé jusqu’à un certain point comme le fondateur de l’institution des ouvriers, établissement qui jusqu’à présent a promis plus qu’il n’a tenu. L’université de Londres, la première qui ait été fondée en Angleterre avec l’égale admissibilité de toutes les sectes, et qui a donné naissance à deux institutions rivales, établies par le parti tory ; la bibliothèque des connaissances utiles, série de publications à bon marché sur la science et l’histoire, destinée au peuple, peu importante en elle-même, mais décisive dans les annales de la littérature anglaise, puisqu’elle a brisé le vieux monopole de la librairie, et commencé la concurrence, grace à laquelle le public s’approvisionne au plus bas prix possible de livres anciens et nouveaux ; les commissions d’enquêtes sur l’état des écoles et des autres établissemens de charité de l’empire britannique, ont encouru, ainsi que plusieurs autres projets pareils, le blâme de quelques esprits chagrins. Plusieurs de ces entreprises ont été tournées en ridicule. On a relevé avec amertume quelques erreurs secondaires. Mais s’il y a quelque vérité dans les grands principes de morale auxquels nous avons engagé notre foi, nous devons croire que tous ces projets tendent au bien, et, lorsque les whigs et les tories seront oubliés, Brougham, pour avoir favorisé l’accomplissement de ce bien, recevra les éloges et les remerciemens de l’impartiale postérité.

Mais le principal service rendu, vers cette époque, par Brougham à son parti, ce fut de l’aider dans une tâche ingrate et pénible. Durant les dernières années de la guerre, quand toute la Grande-Bretagne était possédée de la fièvre de l’enthousiasme militaire et naval, rien ne pouvait être plus impopulaire que d’essayer de déprécier les services des officiers chéris du public, ou des ministres abrités à l’ombre de leurs lauriers. Chaque victoire des armées alliées sur Bonaparte était autant de terrain perdu par l’opposition. Douter de la valeur ou du dévouement des Espagnols, c’était se faire appeler ennemi de la liberté ; insinuer un soupçon contre la bonne foi des monarques ligués, c’était se faire dénoncer comme jacobin. Dans de telles circonstances, pour revenir sans relâche à l’attaque, pour accuser les ministres d’extravagance dans les préparatifs d’une expéditon heureuse, d’aveuglement dans le choix d’officiers qui gagnaient des batailles, il