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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

effrayans, fruits des derniers temps, ces figures qui se dressent au dehors, d’une stature inconnue et d’une forme étrange, ces unions, ces ligues, ces bourdonnemens d’hommes par myriades, ces coalitions contre l’Échiquier, d’où sortent-ils ? comment sont-ils venus sur nos rives ? Quelle puissance a engendré ces formes sauvages ? Qui a multiplié ces naissances monstrueuses, jusqu’à en peupler la terre d’Angleterre ? Croyez-moi, c’est la même puissance qui armait d’une force irrésistible les volontaires irlandais de 1782, la même qui divisa notre empire, et fit jaillir du sol treize républiques ; la même qui a créé l’association catholique et lui a donné l’Irlande en partage. Quel est ce pouvoir ? c’est la justice refusée, c’est les droits méconnus, c’est les injures commises, c’est la force donnée au peuple par l’humiliation, c’est l’autorité publique détournée méchamment au profit des caprices particuliers, c’est la folie de croire ou de faire croire que les adultes du xixe siècle peuvent être conduits comme des enfans ou traînés comme des barbares ; c’est ce pouvoir qui a fait jaillir ces étranges visions qui nous épouvantent. Grand Dieu ! les hommes n’apprendront-ils jamais la sagesse, même au prix de leur expérience ? le croiront-ils jamais, avant qu’il soit trop tard, que le plus sûr moyen de prévenir les désirs immodérés, justifiés par d’iniques exigences, est d’accorder à temps les requêtes fondées sur la raison ? Vous êtes, mylords, à la veille d’une grande catastrophe, vous êtes en présence de la crise générale des espérances et des craintes de toute une nation. Arrêtez-vous avant de vous engloutir : il n’y a pas de retraite possible. Il convient, mylords, de régler votre conduite sur la gravité des circonstances.

« Écoutez la parabole de la sibylle, car elle renferme une morale sage et saine. La sibylle est maintenant à votre porte ; elle vous offre solennellement ses feuilles précieuses, ses feuilles de justice et de paix ; le salaire qu’elle demande est raisonnable : c’est la restitution des franchises que vous devriez rendre sans marché. Vous refusez ces conditions, — ces conditions modérées : — eh bien ! voici que son ombre disparaît de votre porte. Mais bientôt (car vous ne pouvez vous passer de ses avertissemens) vous la rappellerez. La voici qui revient, mais avec les mains moins pleines. Plusieurs feuillets du livre ont été déchirés par des mains fu-