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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/493

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DE L’ALLEMAGNE DEPUIS LUTHER.

panthéiste. Ses mystères et ses symboles reposaient sur un culte de la nature ; dans chaque élément on adorait un être merveilleux ; dans chaque arbre respirait une divinité ; toutes les apparitions étaient divinisées. Le christianisme retourna cette manière de voir ; au lieu de diviniser la nature, il la diabolisa. Mais les riantes images de la mythologie grecque, inventées par les artistes, et qui régnaient avec la civilisation dans le midi, n’étaient pas aussi faciles à changer en masques sataniques que les dieux de la Germanie, à la création desquels nulle pensée artiste n’avait présidé, et qui étaient déjà aussi sombres et aussi chagrins que le nord même. Ainsi, en France, on ne put créer un empire du diable aussi terrible et aussi noir que chez nous, et le monde des esprits et des sorciers y prit une forme sereine. Combien les légendes populaires de la France sont belles, éclatantes et claires, comparées aux légendes de l’Allemagne, ces tristes enfantemens pétris de sang et de nuages, dont les formes sont si grises et si blafardes, et l’aspect si cruel ! Nos poètes du moyen-âge, qui choisissaient, la plupart, des sujets que vous autres de la Bretagne et de la Normandie, vous aviez trouvés et traités les premiers, donnèrent, peut-être à dessein, à leurs ouvrages, ces agréables formes de l’ancien esprit français. Mais dans nos compositions nationales, et dans nos légendes populaires traditionnelles, domina ce sombre esprit du nord dont vous pouvez à peine vous faire une idée. Vous avez, ainsi que nous, plusieurs sortes d’esprits élémentaires, mais les nôtres diffèrent autant des vôtres qu’un Allemand diffère d’un Français. Que les démons de vos fabliaux sont nets et propres en comparaison de la canaille infernale de nos esprits infects et mal léchés ! Vos fées, vos lutins, de quelque pays que vous les tiriez, du pays de Galles ou de l’Arabie, semblent parfaitement naturalisés chez vous, et se distinguent des apparitions germaniques, à peu près comme un dandy qui flane sur le boulevart de Coblentz, avec des gants jaunes glacés, se distingue d’un lourd portefaix allemand. Vos Ondine et vos Mélusine, par exemple, sont des princesses ; les nôtres sont des blanchisseuses. Quelle frayeur éprouverait la fée Morgane, si elle rencontrait une sorcière allemande, toute nue, enduite d’onguent, et courant, à cheval sur un balai, au sabbat du Brocken, cette montagne qui sert de rendez-vous à tout ce qui