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LES ROYAUTÉS LITTÉRAIRES.

passé qu’elles dominent, supérieures au présent qui ne les comprend pas encore, pleines de mépris pour l’avenir qui ne leur appartiendra pas, nous n’aurions pas à regretter l’entêtement et la colère qui contrastent d’une façon si fâcheuse et si mesquine avec le loisir et la rêverie du poète.

Serait-il vrai qu’il existe des royautés littéraires ? Le public plierait-il volontiers le genou devant les demi-dieux de ce nouvel Olympe ? Le devoir de la critique est-il d’enregistrer l’avènement des nouveaux rois et de prêter serment entre leurs mains ? Si cela était, la dialectique littéraire se réduirait à l’office de chancelier. Avant de souscrire à cette théorie de la puissance poétique, qu’il me soit permis de la discuter. Si mes raisons ne valent rien, qu’on les réfute ; si mes argumens sont incomplets, qu’on les achève ; si je suis dans le vrai, qu’une fausse honte n’éternise pas des inimitiés factices. Il n’y a pas à rougir quand on se trompe ; il n’y a rien d’honorable ni de grand à persister dans son aveuglement.

La critique, je le sais, n’est pas unanime dans ses reproches ; et je croirais mal défendre la cause à laquelle je me suis dévoué en altérant la physionomie réelle des faits. Ce que je blâme, d’autres l’approuvent ; ce que je prévois, d’autres ne l’aperçoivent pas. Je ne veux nier aucune de ces difficultés. J’accepte volontiers, sans confusion et sans répugnance, les objections suscitées par le mouvement de ma pensée. Pour les combattre, il suffira, je crois, d’exposer comment je conçois les sympathies et les devoirs de la critique.

Il y a, selon moi, trois manières de juger les œuvres de son temps : on peut les estimer sérieusement au nom du passé, que l’on compare avec elles ; au nom du présent, en les admettant absolument, sans restriction et sans arrière-pensée ; et enfin au nom de l’avenir, en discutant le but qu’elles se proposent.

Ces trois méthodes sont profondément distinctes. La première et la troisième sont hostiles à plusieurs croyances de la poésie nouvelle. La seconde seule a fait preuve jusqu’ici d’une entière sympathie pour les royautés littéraires. Voyons si toutes les trois résisteront avec un égal succès à l’analyse et à la réflexion.

La première méthode, que j’appellerai la méthode historique, faute de pouvoir la désigner plus clairement, prend dans le passé