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en ma présence, que le peuple des États-Unis était peut-être le plus imposé après les Anglais. Cette opinion me surprit beaucoup. J’ai pu depuis en reconnaître l’exactitude. C’est par suite de ces énormes taxes qu’un habit qui, en Europe vaut 100 fr., coûte 200 fr. à New-York. Les marchands américains, quand les étrangers se récrient sur leurs prix exorbitans, observent qu’ils sont accablés d’impôts de toute espèce. »

M. Saulnier n’est pas heureux dans le choix de ses autorités. Nous avons révélé en quels termes M. Rives repoussait l’usage que la Revue Britannique voulait faire de sa prétendue adhésion à de faux jugemens sur les États-Unis. Laissons parler maintenant M. Gallatin en réponse à l’anecdote qui le concerne :

« Le prix du travail manuel et de tous les emplois en grande partie mécaniques, est beaucoup plus élevé ici qu’en Europe. Cette cherté des salaires tient à ce que le travail est plus demandé qu’offert, et à la surabondance des terres en comparaison du nombre actuel des habitans. D’un autre côté, nos institutions démocratiques empêchent que les salaires des emplois élevés ne soient payés au-delà de ce qu’ils valent, et, dans certains cas, les maintiennent un peu au-dessous de ce qui conviendrait. Ainsi, nous n’avons aucuns des abus dont on se plaint généralement en Europe, point de pensions civiles, point de sinécures, point de salaires extravagans donnés à des officiers de hauts grades. Mais les employés d’un rang inférieur dans tous nos établissemens publics coûtent davantage en proportion de leur nombre. En même temps, je puis vous affirmer, du moins pour ce qui regarde nos employés civils, qu’avec un nombre beaucoup moins grand de personnes, soit chefs, soit commis, nous faisons autant de travail qu’en France[1]. » (Lettre de M. Gallatin au général La Fayette.)

  1. Dans une comparaison de ce que coûte l’administration financière des deux pays, M. Saulnier était arrivé à un résultat contraire, en faisant abstraction de la cour des comptes, qui représente, avec l’administration centrale de nos finances, l’équivalent de la trésorerie de Washington. Ainsi mille employés sur dix-neuf cent dix-huit ne figuraient pas dans les calculs de la Revue Britannique. M. Péreire a fait voir que la trésorerie de Washington, au lieu des 154 fonctionnaires qu’elle rétribue, devrait en avoir 800, si le nombre de ses employés était proportionnellement égal à celui de notre administration financière.