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Il faut bien en convenir, l’Amérique du Nord doit le cours de ses prospérités à la probité intelligente et vraiment paternelle des premiers chefs qui ont eu la gloire de ramener si solidement au progrès de ses institutions, tout ce que la philosophie du siècle passé et la pratique successive des affaires leur ont fourni d’utiles enseignemens. Sa révolution s’est ensuite maintenue par un concours de salutaires habitudes et de circonstances heureuses, qui ne tiennent pas au caractère de ses habitans, mais à la moralité sévère du début de leur gouvernement. Comme nous, ils ont eu à défendre leur révolution, et si la nôtre a su se faire reconnaître de l’Europe repoussée de nos frontières, il ne lui eût pas été plus difficile de se retrancher ensuite dans la puissance de son bon droit, que de s’égarer en de folles conquêtes.

Des discussions inouïes agitent le monde. L’économie politique est sortie de ses anciens calculs mêlés d’idylles et d’élégies pour embrasser tout ce qui touche aux conditions présentes des sociétés. Au milieu de cette effervescence des esprits, deux méthodes contraires sont assez franchement controversées.

Les uns paraissent considérer les ressources naturelles du sol comme épuisées, les forces de l’industrie comme arrivées à leur dernier terme, et résolus qu’ils sont d’apporter un soulagement à ceux qui souffrent, n’ont aperçu d’autre moyen qu’un déplacement du pouvoir et de la richesse. Ils conçoivent bien une association définitive dont le nivellement régulier des fortunes serait le but imaginaire ; mais pour la réaliser, ils auraient besoin d’une force violente qu’ils cherchent dans une victoire du plus grand nombre, au lieu de l’attendre de la conciliation des intérêts établis. Ainsi leur association ne pourrait résulter que d’une lutte préalable d’état à état, de classe à classe ; en un mot, d’une guerre du pauvre contre le riche, c’est-à-dire contre le pauvre, car tirant sa subsistance journalière de son travail, c’est sur lui que retomberait définitivement toute dépréciation de la valeur vénale de ses œuvres, toute atteinte au crédit courant, et le premier désordre en amènerait d’interminables. Les diverses variétés de ce désespoir réduit en système peuvent être soutenues avec un honorable fanatisme ; mais la société est faite de telle façon, que leur importance est renfermée dans une controverse sans application pos-