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COSMOGRAPHIE.

taires qui se sont présentées à tous les peuples dans l’enfance de la civilisation[1].

Imaginer que Moïse a pu n’être pas inspiré en tout ce qu’il a écrit, distinguer, comme l’ont fait quelques modernes, ce qui est de foi de ce qui est science, c’est là ce qui ne vint pas et ne pouvait venir dans la pensée des Pères ; forcés tout à la fois par le sens certain des mots et l’ascendant d’une conviction profonde, ils croyaient ne pouvoir hésiter sur les conséquences de l’interprétation littérale. Ils fermaient les yeux sur leur absurdité ; ce qui était écrit devait être vrai ; tant pis pour la raison humaine, elle devait se soumettre, car, comme le disait saint Augustin, major est Scripturæ auctoritas quam omnis humani ingenii capacitas[2].

Ajoutons qu’ils étaient presque à leur insu sous l’influence des opinions populaires qui dominaient encore les esprits même assez éclairés, et de celles qui avaient été soutenues dans les écoles philosophiques des païens. Car, à côté des progrès, à la vérité très lents, des sciences d’observation, vivaient toujours les hypothèses imaginées par les anciens philosophes pour expliquer les faits avant de les connaître : et ces hommes ingénieux avaient si largement exploité le champ des vaines conjectures, que les premiers commentateurs juifs ou chrétiens de la Bible, dans leurs rêveries les plus extravagantes, purent difficilement y glaner une explication tout-à-fait nouvelle. La plus étrange de leurs explications a sa racine dans quelque opinion de ces philosophes païens dont ils méprisaient beaucoup la morale, mais dont ils estimaient fort le savoir, et qu’ils aimaient toujours à citer à l’appui de leurs propres opinions.

C’est ainsi que les idées cosmographiques auxquelles l’autorité

  1. Heyne, de Hesiodi Theol., Comm. Gott., t. ii, p. 137. — Pott, Moses und David keine Geologen (Moïse et David nullement géologues), p. 47. Berl. 1799. Ce petit ouvrage, d’un savant théologien d’Helmstadt, a pour objet de réfuter la géologie biblique de Kirwan (dans ses Geological Essays, p. 35 et suiv.). L’auteur veut prouver que le premier chapitre de la Genèse, 1o  ne contient point de révélation ; 2o  contient encore moins une révélation de faits géologiques ; 3o  en aucune façon une révélation faite à Adam ou à Moïse.
  2. In Genes., ii, 9. — Opp. t. iii, p. 135. B.