Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/654

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
642
REVUE DES DEUX MONDES.

les clochers des églises. Jean Welflin, né à Népomuc, était un ancien vicaire de l’archevêque de Prague. Le roi Wenceslas voulut un jour l’obliger de révéler le secret de la confession de son archevêque. Sur le refus de Welflin, il fut traîné par une nuit noire sur le pont de la Moldau, et jeté dans le fleuve. Saint Népomucène est le patron et le héros du noble et glorieux pays de Bohême qu’il représente si parfaitement sur ce pont où sa statue est décorée des rubans de plusieurs ordres qu’on renouvelle assidûment. La population aristocratique de Prague ne pouvait pas avoir moins qu’un chevalier et un grand’croix pour son représentant dans le royaume des cieux.

Si jamais vous visitez cette pittoresque ville de Prague, quand vous aurez vu le château de Hradschin, sa salle de Wratislaw, sa salle d’Espagne ; quand vous aurez parcouru la chapelle de Wenceslas, placé sur votre tête le casque de ce roi-soldat, qui guérit de la migraine ; quand vous aurez admiré les beaux tableaux de Lucas Cranach et de Holbein, et les statues de Canova dans la galerie Colloredo ; quand vous vous serez arrêté chez les Prémontrés, devant les portraits merveilleux de Zisca et de Ragoczys ; après qu’on vous aura montré, sur les dalles du cloître, les pas du prêtre qui refusa de quitter une partie d’hombre pour aller administrer un mourant, et qui revient chaque nuit jouer avec le diable ; quand vos regards se seront perdus dans la vallée de Scharka et auront glissé le long de la montagne Blanche, d’où Frédéric, nommé le roi d’hiver, vint lorgner Prague d’un œil d’envie ; quand vous aurez tout vu, et les jolies filles de Wischerad, et les fraîches danseuses de l’île de Hetz, rendez-vous sur le Kohlmarkt, à l’auberge des Trois-Lions, et faites-vous montrer une petite chambre, couverte d’une tenture de serge en lambeaux. Puis gravissez le coteau vineux de Kosohicz, et entrez dans une modeste maison qui appartint jadis à Dussek, où vous trouverez une autre chambre aussi obscure et aussi sale que celle des Trois-Lions. Croyez-moi, Prague n’a rien de plus intéressant à vous montrer que ces deux misérables chambres. C’est là que Mozart écrivit les deux actes de son Don Juan.

L’empereur Joseph avait demandé lui-même à Mozart de composer un opéra sur le sujet du Mariage de Figaro de Beaumar-