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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

chais, qui occupait toute la France. Le Nozze di Figaro furent composées et représentées à Vienne dans la même année où fut jouée la Cosa rara de Martin Spagnuolo. La Cosa rara fit fureur, et l’opéra de Mozart ne plut guère qu’à l’empereur Joseph. À Prague ce fut autre chose. Le Mariage de Figaro fut accueilli avec un enthousiasme inoui. On couronna le portrait de Mozart sur le théâtre, ses chants retentirent dans toutes les rues, et l’un des membres les plus distingués de la noblesse alla le trouver à Vienne, et l’invita, au nom de la ville de Prague, à venir composer un opéra parmi ses concitoyens ; car Mozart, bien que né à Saltzbourg, en Bavière, était Bohémien, car sa famille était de Prague, et il y vécut lui-même long-temps. Aussi, en bon Bohémien, il disait souvent que ce n’était qu’en Bohême qu’on savait comprendre sa musique.

À Paris, comme vous le pensez bien, on comprenait alors encore moins Mozart. Le Nozze di Figaro, traduites en français, y furent données en 1793, époque peu favorable à une pareille musique, il est vrai. Cette musique fut peu goûtée. On la trouva trop forte, trop complète, trop étendue pour un opéra-comique, trop vive et trop légère pour un grand opéra. On en était alors pour l’opéra sérieux aux idées de Quinault, et pour l’opéra-comique, à la musique de Grétry.

Mozart s’inquiétant fort peu du goût de Paris, où, disait-il, avec sa franche rudesse, on n’avait ni oreilles pour entendre, ni ame pour comprendre, s’en alla dans sa chère et belle ville de Prague, où il se mit à l’ouvrage. Son ami, l’abbé da Ponte, qui avait arrangé le poème des Noces de Figaro, imagina de fondre dans un seul sujet la nouvelle espagnole de Tirso de Molina, Il combidado de Piedra, le convive de pierre, et la comédie de Molière, connue sous le titre absurde de Festin de Pierre. Il est une vérité que je ne dois pas hésiter à dire, c’est que comme conteur, comme poète, comme poète dramatique surtout, le faiseur de sonnets da Ponte s’est montré, dans cette œuvre, supérieur à tous ses modèles. Je n’excepte pas Molière.

On sait avec quelle rapidité Mozart composa son Don Juan. Rossini seul offre l’exemple d’une pareille vivacité de conception et d’une telle vigueur. L’histoire de l’ouverture de Don Juan, contée