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Du drap le plus fin, couleur de lilas, la veste de moire de même couleur, le tout bordé de larges et doubles galons. La robe de sa sœur est de taffetas blanc broché. » Wolfgang obéissait avec amour à son père ; il ne quittait jamais le piano sans son ordre, et ses veilles furent si longues, ses fatigues si excessives, qu’il fit une dangereuse maladie. À peine fut-il guéri, que le père se mit en route, suivi de ses deux merveilleux enfans, et s’en alla à Paris, à Londres et en Hollande, battant partout monnaie avec ces deux pauvres petites créatures, dont la vie fut bien pénible et bien laborieuse. On peut juger par la correspondance de Grimm des ridicules tours de force qu’on leur faisait faire :

« Nous avons ici un maître de chapelle nommé Mozart, qui a amené avec lui deux enfans charmans. La fille, âgée de onze ans, joue du piano d’une brillante manière ; elle exécute les morceaux les plus longs et les plus difficiles avec une étonnante précision. Son frère n’aura sept ans qu’au mois de février prochain. C’est quelque chose de si merveilleux qu’on ne peut y croire qu’après l’avoir vu de ses propres yeux et entendu de ses propres oreilles. Le maître de chapelle le plus exercé ne saurait avoir une connaissance plus profonde de l’harmonie et des modulations, et il a une telle habitude du clavier, qu’en le couvrant d’une serviette, il continue à jouer sous la serviette avec la même rapidité et la même précision. » On allait donc entendre le jeune Mozart comme on allait aux tréteaux de la foire Saint-Laurent, voir le grand-diable danser au milieu d’une vingtaine d’œufs sans casser une coquille. Plus tard, dans son second voyage, quand Mozart eut renoncé à faire des tours de force en public, personne ne daigna faire attention à l’homme qui ruminait déjà dans sa tête les Noces de Figaro et le Don Juan.

Dans ce voyage, les lettres de Mozart le père sont aussi fort curieuses. L’enfant est toujours une mine d’or, et le père la fouille sans cesse. Il écrit de Paris à une dame de Saltzbourg : « Il n’est pas d’usage ici, comme en Allemagne, de baiser la main aux princes ou de leur parler au passage quand ils traversent les appartemens ou les galeries de Versailles pour se rendre à la messe. Il n’est pas non plus permis de saluer de la tête quelqu’un de la famille royale ou de s’agenouiller en sa présence, mais on demeure