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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

Haydn. Commencez-vous maintenant à connaître et à comprendre Mozart et sa musique ?

Après cela, Mozart fit les Noces de Figaro. Dites-moi lequel a montré le plus d’esprit, de Mozart ou de Beaumarchais ; car nous n’en sommes plus à savoir gré à Mozart de sa haute poésie et de son génie. Mais qu’il ait lutté de malice et de gaîté avec le plus vif et le plus mordant écrivain du xviiie siècle, lui, lourd et épais Allemand, gauchement tombé du fond de la Bohême dans les antichambres des grands seigneurs de Vienne, qu’il ait encore plus légèrement dessiné ce minois chiffonné de Suzanne, donné un regard encore plus langoureux à la tendre et délaissée Rosine, qu’il ait fait du page Chérubin un enfant encore plus tourmenté de ses seize ans, plus ardemment dévoré d’un mal qu’il ignore, c’est là ce dont il faut s’étonner, car c’est tout au moins une chose inattendue que de trouver dans le même homme la grandeur de Corneille, la verve philosophique de Molière et la folie de Beaumarchais.

Après cela Don Juan, Don Juan !

Don Juan épuisa les forces de Mozart. Le génie même a ses limites. Dès ce moment cet esprit vigoureux diminua chaque jour. Mozart devint triste et sombre, il parla sans cesse de sa fin prochaine, et il n’avait conservé d’énergie que pour composer sa musique. Ses derniers morceaux sont admirables. Près de s’éteindre, la flamme divine qui l’animait jetait une clarté plus vive. Il n’est pas d’enfant à qui sa nourrice n’ait conté l’histoire du Requiem de Mozart. Peu de temps avant le couronnement de l’empereur Léopold, un inconnu présenta à Mozart une lettre sans signature, par laquelle on lui demandait s’il voulait se charger de la composition d’un Requiem, pour quel prix il voulait le faire, et à quelle époque il le livrerait. Mozart, qui ne faisait rien sans consulter sa femme, lui montra cette singulière lettre, et lui manifesta l’envie de s’essayer dans ce genre solennel, d’une teinte encore plus grave que les morceaux d’église qu’il avait faits jusqu’alors. Mozart fixa le prix de son travail, et pria le messager de lui faire connaître la personne à qui il devait remettre le Requiem. Quelques jours après, l’homme reparut, apporta le prix demandé, et dit à Mozart qu’il viendrait à l’époque déterminée chercher son ouvrage. Mozart reçut l’ordre de se rendre à Prague pour y composer la Clémence de