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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/83

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REVUE DE VOYAGES.

de biche de mer, et le décrit de manière à faire voir qu’il s’en était formé une idée peu exacte : mais, dans ce qu’il en dit, on ne peut méconnaître une espèce d’holothurie. Le 24 mai 1830, il eut le malheur de découvrir, par les 30° 5′ 30″ lat. sud et 156° 10′ 30″ long. ouest (méridien de Greenwich), un groupe d’îles basses bien boisées et d’un sol fertile, habitées par une race d’hommes d’une couleur très foncée, guerrière, ne connaissant pas les armes à feu, d’un caractère paisible à en juger par ses discours, mais perfide et cruelle en réalité. Les biches de mer abondaient sur les récifs de corail qui ceignent ces îles ; et, tenté par l’espoir d’une pêche fructueuse, le capitaine Morrell ne put résister au désir de jeter l’ancre. Il eut une entrevue avec les naturels qui lui cédèrent un terrain où il bâtit une cabane, et il commença sa pêche. Malgré les arrangemens pris avec leurs chefs, les insulaires regardèrent bientôt l’établissement avec des yeux hostiles ; ils commencèrent d’abord par voler tout ce qui leur tombait sous la main, sans respecter même l’enclume du forgeron et le fer encore chaud qu’il venait de battre ; peu après, ils coururent un jour aux armes, poussèrent le cri de guerre, et attaquèrent le second du navire, M. Wallace, qui se trouvait en ce moment à terre avec seize hommes de l’équipage. Ceux-ci, quoique bien armés, ne pouvant résister à plusieurs centaines de guerriers qui fondaient sur eux avec fureur, battirent en retraite du côté du rivage. Treize d’entre eux furent tués en se défendant avec le courage du désespoir, et après avoir abattu quatre fois autant de sauvages ; les autres auraient également succombé, si un canot bien armé n’eût volé à leur secours et ne les eût recueillis. La fusillade qui protégeait cette opération, loin d’intimider les naturels, paraissait plutôt les exaspérer.

« Les sauvages, dit M. Morrell, étaient revenus de la terreur panique que leur avaient causée nos balles, et voyant que le reste de leur proie allait leur échapper, ils firent un dernier et furieux effort pour s’emparer du canot ; mais avant qu’ils pussent y arriver, il était déjà à flot. Une partie d’entre eux lui décochèrent une nuée de flèches, tandis que les autres couraient à leurs pirogues et se préparaient à le poursuivre. Tous leurs mouvemens indiquaient une résolution fermement arrêtée de s’emparer des fugitifs ou de périr dans l’entreprise. Le canot était surchargé, ayant