Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
ROMANS ET NOUVELLES.

personnel, qu’une réponse publique est devenue nécessaire ; toutefois il faut faire dans ces attaques deux parts bien distinctes : la part littéraire, que la discussion peut aborder ; la part sociale, qui, n’ayant rien à faire avec le raisonnement, ne peut être le sujet d’une préface.

On a dit qu’Indiana, Valentine et Lélia étaient trois momens d’une même pensée, trois faces diverses d’une intention unique, trois expressions d’une même volonté, et que les deux premiers livres demeuraient obscurs et inexpliqués sans le troisième. Sans doute il y a entre ces trois livres une fraternité incontestable ; mais cette fraternité intellectuelle n’entraîne pas de droit la solidarité littéraire. Il se peut donc faire que l’un de ces trois livres vaille beaucoup moins que les deux autres, offre moins d’intérêt, soit construit sur un plan plus irrégulier, sans que pour cela le blâme et l’excommunication doivent envelopper dans un commun anathème toute la famille littéraire de l’auteur.

L’acharnement inattendu des reproches adressés à Lélia, et la rétractation inopinée des éloges si indulgemment prodigués jusque-là à ses sœurs aînées, font peu d’honneur à la clairvoyance des critiques. Cette colère rétroactive, qu’on y prenne garde, ne va pas à moins qu’à proclamer tout haut que les panégyristes se savent mauvais gré de leur premier enthousiasme, et qu’ils n’avaient pas compris les deux premières pages du plaidoyer avant de lire la troisième. Si cela est vrai, si les choses se passent dans leur conscience ainsi qu’ils le disent, peut-être bien changeront-ils d’avis à la lecture de la quatrième page ; peut-être bien, dans un avenir très prochain, seront-ils réduits à dire naïvement que cette fois-ci encore ils se sont trompés, qu’ils ont prononcé trop vite, et qu’une réflexion plus patiente leur a révélé des intentions inaperçues.

L’auteur s’abstiendra d’apprécier publiquement les récriminations hostiles dirigées contre lui ; mais il croit pouvoir se permettre d’expliquer, selon sa conscience, ce qu’il a voulu, ce qu’il a prétendu jusqu’ici. Et d’abord il doit déclarer qu’il n’a pas entendu écrire un plaidoyer contre la société, contre les institutions qui la régissent, contre l’humanité entière, comme on l’a dit récemment. Ces graves accusations iraient assez mal à sa taille ; ni son talent, ni sa volonté, ni ses espérances ne méritent une pareille accusation. Il sait très bien que la majorité estime très haut les institutions dont elle s’ac-