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ROMANS ET NOUVELLES.

idées, ramenées à leur expression la plus simple et la plus nue, se défendent d’elles-mêmes et n’ont pas besoin d’apologie.

Que la foi religieuse qui suffit à consoler les ames énergiques attise les feux d’un cœur faible au lieu de les éteindre, et pousse au meurtre un prêtre égaré par le jeûne et la veille, est-ce donc un si grand étonnement pour la piété de ce temps-ci ? Si toutes ces explications vont au fond des choses, comme l’auteur incline à le penser, il a peine à deviner quelle lumière inattendue son dernier livre a pu jeter sur Indiana et sur Valentine. Si ces trois récits sont pour tous les esprits sérieux ce qu’ils sont pour lui, il ne devine pas comment la peinture des mœurs domestiques, qui avait semblé juste, comment le détail des combats intérieurs d’une femme hésitant long-temps entre le devoir et la passion, qui avait semblé fidèle, peut cesser tout à coup d’avoir les mérites qu’on lui attribuait d’abord, lorsqu’il prend fantaisie à la Pensée d’attaquer l’Enthousiasme après avoir attaqué l’Égoïsme et la Brutalité.

L’auteur voit aujourd’hui sans découragement et sans colère les récriminations de la critique. Quoiqu’il n’ait pas la prétention de moraliser son siècle, il comprend très bien qu’on ne peut impunément effleurer même par la poésie les questions qui intéressent l’humanité tout entière. Il a vécu, il ne s’étonne pas de rencontrer sur sa route les vanités furieuses qui se croient insultées, les vices prudens et hypocrites qui se croient démasqués, les douleurs silencieuses et lâches qui n’osent s’avouer. Il sait très bien qu’on ne peut toucher au feu sans se brûler les doigts.

Il n’ignore pas qu’il y a dans la littérature purement humaine, qui prend le cœur avec ses extases et ses tortures pour sujet permanent de ses études et de ses inspirations, quelque chose d’austère et d’impitoyable qui doit blesser au vif les âmes vulgaires drapées dans le mensonge et la pruderie. Ces âmes-là sont volontiers indulgentes pour le poète qui, dans son respect pour l’homme, s’abstient d’y toucher. Elles étourdissent de leur bruyante fanfare celui qui préfère aux peintures de la conscience la description des costumes et des paysages. Elles couronnent glorieusement celui qui les amuse de ses récits sans les troubler dans leurs plaisirs. Elles placent comme un demi-dieu sur un piédestal celui qui les laisse