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pelle, à Ferrare, à Londres, nous retrouvons des impressions pareilles, malgré la diversité des lieux et des costumes.

Jusqu’à présent nous avions le droit de gourmander les poèmes de M. Hugo au nom de ses théories ; aujourd’hui ses théories nouvelles réclament en faveur de ses œuvres une complète amnistie. Ce qu’il a fait, il le voulait, il savait qu’il le voulait ; on peut blâmer sans injustice l’œuvre et la pensée, mais il n’y a plus place pour le reproche d’inconséquence.

Je ne crois pas qu’il soit possible d’interpréter autrement la nouvelle préface de M. Hugo ; si les mots n’ont pas perdu leur sens et leur valeur habituelle, cette préface signifie ce que j’y vois et ne signifie pas autre chose. Sous la pompe et la splendeur des métaphores, j’entrevois le constant et fidèle amour de l’antithèse. Ce culte fervent pour l’opposition de la vertu de l’ame et de la hideur du corps se retrouve inscrit à chaque page en traits éclatans ; nous avons le moule dans lequel l’artiste a coulé ses statues ; nous savons pourquoi les proportions de ses héros contrarient si obstinément la réalité historique et la vérité humaine.

Ce que M. Hugo dit de Voltaire, de Lamennais et de Byron, porte la date de 1823 et de 1824 ; l’auteur avait donc à cette époque vingt-un et vingt-deux ans. On ne peut, sans injustice, contester l’éclat et l’abondance du style dans ces trois morceaux. Certes, parmi les hommes de cet âge, il y en a peu qui possèdent aussi bien les secrets de la langue ; il y en a peu qui rencontrent, en traduisant leurs pensées, des images aussi riches, aussi nettes, aussi précises, aussi dociles au mouvement intérieur des idées. Si l’auteur, au lieu d’employer son talent à écrire sur des sujets aussi spéciaux, aussi différens entre eux, se fût borné à traiter des sujets de pure fantaisie, ou bien à raconter des impressions personnelles et presque biographiques, je n’aurais que de l’admiration pour cette précocité littéraire. Mais, à l’exception de Voltaire, que tout le monde croit connaître et que si peu ont sérieusement étudié, les thèmes développés par le critique exigeaient des connaissances que l’inspiration ne peut jamais suppléer. Ces connaissances, je le sais, sont rares parmi les hommes de vingt-un ans, et je ne m’étonne pas que M. Hugo, dans sa vie laborieuse et active, n’ait