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Sans doute ces modifications n’ont pas grande importance en elles-mêmes, mais, rapprochées de la préface de M. Hugo, elles acquièrent une valeur fâcheuse. Une fois convaincus par ces deux exemples que M. Hugo ne nous a pas donné ses pensées de 1819 à 1824 dans leur littéralité intégrale, nous sommes amenés naturellement à révoquer en doute la sincérité de ses railleries dédaigneuses sur ses premiers essais. Puisqu’il les a corrigés, sans doute il les estime plus haut qu’il ne dit. Il n’avait qu’un moyen de s’assurer notre indulgence, c’était de livrer le texte de ses premières pages tel qu’il est, sans le mutiler, l’enrichir ou le changer.

Il me reste à présenter sur ce morceau une remarque délicate et que je ne dois hasarder que sous la forme du doute. On sait que le Conservateur littéraire était rédigé par MM. Abel, Eugène et Victor Hugo. Or, dans l’exemplaire que j’ai sous les yeux, les pages sur André Chénier sont signées d’un E. Cette initiale se trouve reproduite dans la table du volume. N’est-il pas permis de craindre que ces pages n’aient été insérées par étourderie dans les volumes de 1834 ? Cette erreur, si d’aventure elle était réelle, ne pourrait entamer la gloire poétique de M. Victor Hugo ; mais dans la série totale de ses œuvres ce serait un point bibliographique à éclaircir.

Et puis, pour dresser l’inventaire complet de ses tâtonnemens littéraires, M. Hugo n’aurait-il pas dû réimprimer plusieurs pièces de vers signées du nom de d’Auverney ?


J’ai relu plusieurs fois le Journal d’un révolutionnaire de 1830 avec l’espoir de pénétrer les idées enfouies dans cette série de phrases détachées. J’avais peine à croire du premier coup que M. Hugo eût pris pour thème des questions politiques et sociales sans se résigner au souci de les étudier. Je répugnais à condamner sur une première impression ce cliquetis d’antithèses qui fait bien quelquefois jaillir comme une lumineuse et passagère étincelle les mots de peuple, de gouvernement, de lois, de justice, mais où l’œil le plus clairvoyant ne peut rien apercevoir de solide et de sérieux. Je l’avoue à regret, mais je ne puis pas ne pas l’avouer, je n’ai pas trouvé dans ces soixante pages un sentiment ou une pensée qui n’ait été depuis quatre ans développé en termes plus