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vraie et sympathique, mais timorée, qui l’arrête, qui la captive, mais qui ne la satisfasse pas. » Je citerai encore cette pensée : « Le moyen le plus simple de faire rougir un jaloux d’une injuste exigence, c’est de lui proposer ce qu’il n’ose demander, et ce que cependant il accepte toujours. » De telles observations morales annoncent certes un grand progrès vers la maturité du talent ; et, sous ce rapport, le dernier roman de M. Foucher, malgré un reste d’inexpérience qui s’y trahit, mérite de sincères éloges.

— L’Athénée de Marseille, qui avait fourni, il y a quelques années, à M. J.-J. Ampère, la première occasion de produire en public son talent de professeur érudit et éloquent, a eu cette année, pour représentant et pour organe de la littérature moderne, un jeune poète dont le nom a été jusqu’ici moins connu que l’œuvre, et dont l’œuvre et le nom sont destinés à une publicité, à une renommée croissante. M. Brizeux, auteur du charmant et tendre poème de Marie, achève en ce moment à l’Athénée de Marseille une série de leçons sur la littérature et la poésie contemporaine ; la nouveauté de ses vues, la délicatesse et la sûreté de ses jugemens y ont jeté un éclat plein de charme, qui lui a tout d’abord conquis son auditoire. Une nouvelle voie s’est ouverte à M. Brizeux à côté de son sentier poétique qu’il ne désertera point pour cela. Le voilà propre à enseigner, à expliquer par l’analyse, en même temps qu’à chanter et à peindre ; il sera critique sans cesser d’être poète. Félicitons l’Athénée et le public de Marseille de savoir apprécier les leçons de ces ingénieux talens et de montrer une libéralité, si rare aujourd’hui, pour les études qui honorent ; il y a de la Grèce dans ce goût-là.

— L’Histoire de la réforme, de la ligue et du règne de Henri iv, par M. Capefigue, est un de ces ouvrages d’érudition qui appelle un examen particulier que nous ferons prochainement. En attendant, il faut constater un fait, les immenses recherches, les sources nouvelles, les documens inédits puisés en Espagne, en Italie, dans les manuscrits de la bibliothèque royale à Paris, dans les bibliothèques de province, et qui donnent un aspect tout neuf à ces grandes luttes de la science et de l’esprit de liberté en Europe pendant le XVIe siècle. C’est quelque chose qu’un ouvrage puisé aux sources. Quant aux idées, aux systèmes, à la contexture du vaste drame historique qu’embrasse M. Capefigue, ils méritent une discussion sérieuse, et nous y reviendrons.


F. BULOZ.