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dessous ma cape les objets que j’avais apportés, permettez-moi d’éclairer votre chemin. Alors je tirai ma lanterne sourde, je l’ouvris et je l’accrochai à un des pieux du rivage.

— Que diable fais-tu là ? me dit-il, ai-je affaire à des fous ? De quoi s’agit-il ?

— Il s’agit, lui dis-je, en tirant deux épées de dessous mon manteau, de vous battre avec moi.

— Avec toi, canaille ! je te vais rosser comme tu le mérites.

— Un instant, lui dis-je en le prenant au collet avec une vigueur dont il fut un peu étourdi, je ne suis pas ce que vous croyez. Je suis noble tout aussi bien que vous ; de plus je suis un honnête homme et vous êtes un scélérat. Je vous fais donc beaucoup d’honneur en me battant avec vous. — Il me sembla que mon adversaire tremblait et cherchait à s’échapper. Je le serrai davantage.

— Que me voulez-vous ? Par le nom du diable ! s’écria-t-il, qui êtes-vous ? je ne vous connais pas. Pourquoi m’amenez-vous ici ? Votre intention est-elle de m’assassiner ? Je n’ai aucun argent sur moi. Êtes-vous un voleur ?

— Non, lui dis-je, il n’y a de voleur et d’assassin ici que vous, vous le savez bien.

— Êtes-vous donc mon ennemi ?

— Oui, je suis votre ennemi.

— Comment vous nommez-vous ?

— Cela ne vous regarde pas, vous le saurez si vous me tuez.

— Et si je ne veux pas vous tuer ? s’écria-t-il en haussant les épaules et en s’efforçant de prendre de l’assurance.

— Alors vous vous laisserez tuer par moi, lui répondis-je, car je vous jure qu’un de nous deux doit rester ici cette nuit.

— Vous êtes un bandit ! s’écria-t-il, en faisant des efforts terribles pour se dégager ; au secours ! au secours !

— Cela est fort inutile, lui dis-je, le bruit de la mer couvre votre voix, et vous êtes loin de tout secours humain. Tenez-vous tranquille, ou je vous étrangle. Ne me mettez pas en colère, profitez des chances de salut que je vous donne. Je veux vous tuer et non vous assassiner. Vous connaissez ce raisonnement-là. Battez-vous avec moi, et ne m’obligez pas à profiter de l’avantage de la force que j’ai sur vous comme vous voyez. — En parlant ainsi, je le se-