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MORALE DE BENTHAM.

religieuse ou surhumaine. L’analyse de ces différentes sanctions est pleine d’observations justes et fines.

Les causes d’immoralité sont presque toujours celles-ci : de faux principes en morale, une application erronée de la religion, une préférence accordée à l’intérêt personnel sur l’intérêt social, et, enfin, préférence donnée à un plaisir moindre, mais présent, sur un plaisir plus grand, mais éloigné.

Rien de plus fatal, selon Bentham, que l’emploi erroné, ou plutôt l’abus du langage. Les mots principe, droit, conscience, ont presque toujours donné le change sur la vérité des choses. La vertu est un être de raison, une entité fictive, née de l’imperfection du langage, du langage créé long-temps avant que les phénomènes de l’ame fussent étudiés et compris. Le mot vertu échappe à la définition. Un acte ne peut être qualifié de vertueux ou de vicieux qu’en tant qu’il produit du bonheur ou du malheur. L’application du principe déontologique peut seule nous mettre à même de découvrir si des impressions trompeuses sont communiquées par l’emploi de ces locutions vertu et vice ; et, après un examen approfondi, on trouvera que la vertu et le vice ne sont que la représentation de deux qualités, la prudence et la bienveillance effective, et leurs contraires, avec les différentes modifications qui en découlent, et qui se rapportent d’abord à nous, puis à tout ce qui n’est pas nous.

La prudence personnelle est une vertu première, et d’elle découlent, comme vertus secondaires, la tempérance et la continence. La prudence extra-personnelle, ou la prudence relative à autrui, bien qu’elle appartienne plus au législateur, doit cependant attirer l’attention des déontologistes.

La bienveillance effective se divise en deux branches, l’une positive, qui confère des plaisirs à autrui, et l’autre négative, qui s’abstient de leur infliger des peines.

Ces préliminaires posés, Bentham procède à l’analyse des vertus et des vices. Les vertus et les vices sont des habitudes volontaires. Aux deux branches de la vertu, la patience et la bienveillance, correspondent deux branches du vice, l’imprudence, par lequel un homme se nuit principalement à lui-même, et l’improbité qui nuit principalement à autrui. De ce point de vue, Bentham criti-