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LETTRES D’UN VOYAGEUR.

de lui. Alors il tira de sa poche une lettre timbrée de Genève. Je me détournai après l’avoir lue pour cacher mes larmes. Mais quand je regardai le docteur, je le trouvai occupé à lire la lettre à son tour. — Ne vous gênez pas, lui dis-je. — Il n’y fit nulle attention et continua ; après quoi il la porta à ses lèvres avec une vivacité passionnée toute italienne, et me la rendit en disant pour toute excuse : Je l’ai lue.

Nous nous pressâmes la main en pleurant. Puis je lui demandai s’il avait reçu de l’argent pour moi. Il me répondit par un signe de tête affirmatif. — Et quand part votre ami Zuzuf ? — Le 15 du mois prochain. — Vous retiendrez mon passage sur son navire pour Constantinople, docteur. — Oui ? — Oui. — Et vous reviendrez ? dit-il. — Oui, je reviendrai. — Et lui aussi ? — Et lui aussi, j’espère. — Dieu est grand ! dit le docteur en levant les yeux au ciel d’un air à la fois ingénu et emphatique. Nous verrons ce soir Zuzuf au café, ajouta-t-il ; en attendant, où voulez-vous loger ? — Peu m’importe, ami, je pars après-demain pour le Tyrol…

George Sand.