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convictions, ou bien chercha-t-il à se prouver à lui-même, ainsi qu’aux autres, qu’il fallait attendre un temps meilleur ? Pour moi, monsieur, je n’étais pas à Gand, je n’y avais pas d’amis, et je ne saurais vous dire comment se termina la mission de M. Guizot ; mais vous savez, comme moi, que M. de Talleyrand fut revêtu de la présidence du conseil au retour de Gand, et que M. de Blacas s’éloigna. Les hommes qui avaient employé M. Guizot à cette négociation difficile ne paraissent pas s’être beaucoup empressés de le récompenser, car il ne fut rappelé aux affaires qu’après la dissolution du ministère de M. de Talleyrand.

M. Guizot reparut donc aux affaires sous M. Barbé-Marbois, qui l’appela près de lui, au ministère de la justice, en qualité de secrétaire-général. Depuis, par un singulier enchaînement de faits, M. Barbé-Marbois a été arraché en quelque sorte violemment de sa place de président de la cour des comptes sous le ministère de son ancien protégé. Il eût été digne de M. Guizot d’employer son éloquence dans le conseil, où il fait si souvent prévaloir ses opinions, à maintenir en possession de son honorable retraite ce vieillard, qui lui avait autrefois tendu la main pour l’aider à gravir les premiers degrés du pouvoir. Mais peut-être, en cette occasion, M. Guizot céda-t-il au cri de sa conscience, et se souvint-il des rigueurs qui signalèrent le ministère de M. Barbé-Marbois, rigueurs que M. Guizot vit de bien près, et dont il lui fallut se rendre complice. Destitutions de magistrats, circulaires effrayantes, mesures d’inquisition, ordonnances impitoyables, tels furent en effet les seuls actes qui émanèrent, en 1817, du ministère de la justice. Une loi contre les cris séditieux fut portée aux chambres par M. Barbé-Marbois, tandis que M. Decazes présentait une loi pour la suspension de la liberté individuelle, et le duc de Feltre un autre projet pour l’établissement des cours prévotales. L’exposé de motifs du projet de loi de M. Barbé-Marbois sembla le plus terrible de tous. L’action de pousser un cri séditieux y était traitée de crime, et bien punie comme telle. « Il y a quelques hommes dont l’unique morale est la crainte des peines, disait-on dans cet exposé. C’est contre des coupables de cette espèce que nos lois sont, à plusieurs égards, impuissantes. À la nécessité d’une loi positive sur ces matières se joignait celle d’une instruction rapide et d’une punition