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REVUE DES DEUX MONDES.


x.
Fin de l’histoire de l’Adjudant.


Ici le bon Adjudant se leva pour prendre le portrait qu’il nous fit passer encore une fois de main en main.

— La voilà, disait-il, dans ce même costume, ce bavolet et ce mouchoir au cou, la voilà telle que voulut bien la peindre madame la princesse de Lamballe. C’est ta mère, mon enfant, disait-il à la belle personne qu’il avait près de lui et qu’il fit asseoir sur son genou ; — elle ne joua plus la comédie, car elle ne put jamais savoir que ce rôle de Rose et Colas, appris par la reine.

Il était ému. Sa vieille moustache blanche tremblait un peu, et il y avait une larme dessus.

— Voilà une enfant qui a tué sa pauvre mère en naissant, ajouta-t-il, il faut bien l’aimer pour lui pardonner cela, mais enfin tout ne nous est pas donné à la fois. Ç’aurait été trop apparemment pour moi, puisque la Providence ne l’a pas voulu. J’ai roulé depuis avec les canons de la république et de l’empire, et je peux dire que de Marengo à la Moscowa j’ai vu de bien belles affaires, mais je n’ai pas eu de plus beau jour dans ma vie que celui que je vous ai raconté là. Celui où je suis entré dans la garde royale a été aussi l’un des meilleurs. J’ai repris avec tant de joie la cocarde blanche que j’avais dans Royal-Auvergne, et aussi, mon lieutenant, je tiens à faire mon devoir, comme vous l’avez vu. Je crois que je mourrais de honte si demain, à l’inspection, il me manquait une gargousse seulement ; et je crois qu’on a pris un baril au dernier exercice à feu pour les cartouches de l’infanterie. J’aurais presque envie d’y aller voir si ce n’était la défense d’y entrer avec des lumières.

Nous le priâmes de se reposer et de rester avec ses enfans qui le détournèrent de son projet, et, en achevant son petit verre, il