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REVUE DES DEUX MONDES.

Donc, puisque dans le ciel sa divine patrone
N’a pas daigné changer cette pâle couronne,
Ces tristes fleurs d’hiver qu’elle porte à son front
Pour le beau lis ardent du séraphique mont,
Pour l’auréole d’or dont la splendeur est telle
Qu’elle fait d’une vierge une sainte immortelle ;
L’auréole de feu, rayon incandescent,
Diadème et splendeur, que le dévot passant
Avec humilité considère et salue ;
Malheur à nous ! malheur ! elle n’est pas élue.
Cette fille est damnée ! .......
................

Anna, s’éveillant de sa stupeur.

Mon père ! mon père !

Le Commandeur.

Mais qu’as-tu donc, Anna, pourquoi ces larmes ? Est-ce que tu regretterais la terre, par hasard ? Ô mon Dieu, voilà bien l’humaine créature ; son paradis, c’est l’endroit qu’elle n’habite plus. Pauvre tige qui t’inclines, songe au soleil qui va te luire, et relève la tête en cet espoir de vie et de lumière. Ô ma fille, ne sois pas indigne de ton bonheur, redeviens calme et sereine, car à l’aube nouvelle je vais te prendre par la main et te conduire devant tes aïeux. Tu les compteras tous l’un après l’autre, et tu verras quelle place nous tenons dans le ciel. Demain, tu retrouveras ta mère glorieuse ; demain, il te sera permis d’entrer dans son auréole, et de causer avec elle aussi long-temps que tu voudras. N’entends-tu pas, ma fille, les vierges de la terre s’écrier du fond des cloîtres : Sainte Anna, priez pour nous, vous dont les anges célèbrent la bienvenue au paradis ? N’entends-tu pas Marie et Madeleine, et toutes les Ardeurs, chanter hosannah pour ton ame qui s’élève ? te voilà déjà parvenue aux étoiles, et tu pleures toujours. Certes, il fallait que ton ame fût bien pleine de larmes pour n’avoir pas eu le temps de les répandre toutes avant que d’arriver aux portes du ciel.

Anna.

Ô mon père, les larmes que je répands ici ne viennent pas de la terre, mais du ciel. La mort avait tari dans mes yeux la source de mes pleurs temporels, mais le doigt du Seigneur vient d’en ouvrir