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ÉTUDES DE L’ANTIQUITÉ.

ainsi briller l’esprit français dans le champ de l’érudition conjecturale. Les restes les plus saillans de l’œuvre de Salluste sont une peinture concise de la lutte des plébéiens et des patriciens[1], et des commencemens de la corruption de l’état, un discours d’Æmilius Lepidus contre Sylla, un discours de Lucius Philippus contre Lepidus, une lettre de Pompée au sénat, une harangue du tribun M. Lepidus au peuple, une lettre du roi Mithridate au roi Arsace, une harangue du consul Cotta au peuple. Nous ne parlons pas de sentences vigoureuses, d’expressions magnifiques et isolées, de phrases interrompues et brisées, beautés mutilées qui souvent ont irrité notre admiration sans pouvoir la satisfaire. Crispus avait encore écrit une description du Pont-Euxin, description que De Brosses présume avec vraisemblance avoir terminé le troisième livre de son histoire ou commencé le quatrième. Ce morceau était tenu dans une haute estime par les géographes de l’antiquité.

  1. …… « Injuriæ validiorum, et ob eas discessio plebis à patribus, aliæque dissensiones domi fuere jam indè à principio : neque amplius, quam regibus exactis, dum metus à Tarquinio et bellum grave cum Etruria positum est, æquo et modesto jure agitatum : dein servili imperio patres plebem exercere, de vita atque tergo regio more consulere ; agro pellere, et ceteris expertibus, soli in imperio agere. Quibus sævitiis et maxume fœneris onere oppressa plebes, quum assiduis bellis tributum simul et militiam toleraret, armata montem Sacrum atque Aventinum insedit. Tumque tribunos plebis et alia sibi jura paravit. Discordiarum et certaminis utrimque finis fuit secundum bellum punicum. » — Dès l’origine avaient éclaté les injustices des grands, la scission du peuple et du sénat, et d’autres dissensions civiles. Après l’expulsion des rois, la seule crainte de Tarquin et la guerre d’Étrurie avaient fait régner un instant la modération et l’équité ; mais aussitôt après les patriciens traitèrent le peuple en esclave ; ils firent les rois ; ils condamnèrent les plébéiens aux verges, à la mort, usurpèrent leurs champs, leurs droits, et dominèrent seuls. Exaspéré par tant de sévices, écrasé par les dettes et l’usure, le peuple, qu’épuisaient encore les impôts et la guerre, s’arma et se retira, enseignes déployées, sur le mont Sacré et sur le mont Aventin. C’est ainsi qu’il conquit des tribuns et d’autres droits encore. Les discordes et la lutte des deux partis eurent pour terme la seconde guerre punique. — Peut-on renfermer plus de choses dans une concision plus puissante ? Où trouver un style plus court, plus mordant et plus durable ?