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enjolivées de fragmens de vers empruntés à Thomas Moore et ornées d’invitations au massacre, à la vengeance, au meurtre du clergé protestant ; invitations, hélas ! qui ne sont pas perdues, et dont la populace irlandaise n’est que trop prompte à comprendre le sens, à mettre la coupable moralité en pratique. Tant que le grand agitateur est là, cette fermentation ne s’affaiblit pas, et la saison de l’orage politique revient aussi régulièrement que celle de la moisson ou celle de la gelée. Les meilleurs citoyens voient ce mouvement avec mécontentement et avec dégoût ; et presque toujours quelque scène sanglante, quelque collision meurtrière des paysans et de la force publique viennent servir de corollaire et d’appendice aux furibondes prédications d’O’Connell.


La session est rouverte ; O’Connell revient à son poste. Ses acolytes le suivent, et Dublin retombe dans sa tranquillité déserte et primitive. Le Conseiller de l’insurrection se métamorphose tout à coup ; il change de tactique ; il sait que le rappel (repeal) de la loi sur l’union irlandaise n’a l’assentiment d’aucun parti dans la chambre des communes ; que cette grande question ne se présente guère qu’une fois par an, et que toute solennelle, toute bruyante que soit la discussion, elle ne peut aboutir à rien. Il se souvient que, même en 1834, sa motion n’a été soutenue que par vingt-neuf Irlandais et un Anglais. Il ne peut ignorer que, sous le point de vue commercial et industriel, l’Irlande a beaucoup gagné en se réunissant à l’Angleterre ; que, sous le point de vue politique, elle n’a rien perdu. Il sait encore que rien, si ce n’est une force majeure, n’arrachera des mains de l’Angleterre une conquête si importante, si nécessaire, et dont la cession compromettrait son existence. Aussi l’agitateur irlandais se contente-t-il d’une guerre d’escarmouche : il se bat en guerillero ; il harasse le gouvernement ; il jette des bâtons dans les roues administratives ; il contrarie toutes les mesures de politique active et actuelle, qui sont relatives à l’Irlande, le bill de la réforme irlandaise, le bill de la dîme, le bill coërcitif. Dans cette sphère, son influence est énorme. Toutes les fois qu’il s’agit de toucher à la politique intérieure de cette contrée, on commence par savoir quelle sera la conduite d’O’Connell, quel parti il prendra, de quelle manière il compte agir, si son intention