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nées de la Restauration, et qui, à ne la prendre que dans son origine, indépendamment de ce que fourniront désormais les principaux membres dispersés, ne restera pas sans honneur. En histoire, en philosophie, en critique, il y eut aussi une formation essentielle à cette époque, y trouvant son progrès, son accroissement, sa culture. Je n’entends parler ici que de ce qui, dans l’ordre de l’esprit, n’était pas hostile au principe de la Restauration, de ce qui ne se plaçait pas en dehors, l’attaquant avec audace ou la minant avec ruse, mais de ce qui se développait en elle tout en essayant de la modifier, de ce qui pouvait lui devenir un ornement et un appui, si elle-même, la première, n’avait pas, un matin, mis le feu aux poudres. Dans le monde et la haute société, ce mouvement d’esprit, si fécond alors et si imposant en promesses, avait pour centre et pour foyers deux ou trois salons dits doctrinaires. Le ton qui y régnait était avant tout sérieux ; celui de la discussion en général, de la discussion longue, suivie, politique ou littéraire, avec des à-parte psychologiques ; une certaine allure d’étude jusque dans l’entretien, et de prédication dans le délassement. Il faudrait, au reste, apporter à ceci bien des nuances correctives, si l’on songe que la zone doctrinaire s’étendait, à partir de M. Royer-Collard, à travers les salons de MM. Guizot, de Broglie, de Barante, et allait expirer à M. de Saint-Aulaire. Mais la Restauration devait amener dans le monde élevé, et à la surface de la société qu’elle favorisait, d’autres combinaisons moins simples que celles-là. Il y avait entre les cercles doctrinaires studieux, raisonneurs, bien nobles alors assurément, mais surtout fructueux, et les cercles purement aristocratiques et frivoles, il y avait un intervalle fort marqué, un divorce obstiné et complet ; d’un côté les lumières, les idées modernes, de l’autre le charme ancien, séparés par des prétentions et une morgue réciproque. En quelque endroit pourtant la conciliation devait naître et s’essayer. De même que du sein des rangs royalistes une voix éloquente s’élevait par accès, qui conviait à une chevaleresque alliance la légitimité et la liberté, et qui, dans l’ordre politique, invoquait un idéal de monarchie selon la charte, de même, tout à côté, et avec plus de réussite, dans la haute compagnie, il se trouvait une femme rare, qui opérait naturellement autour d’elle un compromis merveilleux entre le goût, le ton d’autre-