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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

aujourd’hui si éclatante de l’auteur ira rejoindre dans un oubli judicieux la gloire autrefois splendide de celui à qui nous devons le fronton de la chambre.

J’ai long-temps hésité avant de croire au témoignage de mes yeux en lisant au bas d’un buste de Rossini le nom d’un sculpteur florentin singulièrement célèbre en Europe, celui de Bartolini. Jamais le vieil adage latin omne ignotum pro magnifico n’a été plus tristement réalisé. Nous avons tous vu un buste de Rossini, par David, vivant, spirituel, moqueur, indolent et voluptueux ; nous avons tous vu le masque mobile et fin du maître ingénieux et inépuisable qui a traduit toutes les variétés de la passion depuis Desdemona jusqu’à Ninetta, depuis Semiramide jusqu’à Tancredi. Y a-t-il dans le marbre du maître florentin rien qui rappelle ce modèle précieux ? Mon Dieu ! non. C’est une sculpture sèche, ronde, pauvre, mesquine, misérablement petite. Les yeux ne voient pas ; la bouche ne pourrait parler ; les cheveux découpés en lanières grêles et amincies ne pourraient flotter au vent. En présence de cette gloire si grande et si déplorablement démentie, les vers de Juvénal me reviennent en mémoire : Expende Annibalem… Est-ce donc là tout ce qu’on trouve derrière le nom de Bartolini, de ce nom si vanté par les touristes, si glorieux dans le journal de Byron ? Byron, il est vrai, se connaissait en statuaire à peu près comme Napoléon en musique, c’est-à-dire très mal. Mais sur les choses qu’il ignorait, il répétait volontiers l’avis des autres. Il y a donc eu en Italie une foule pour admirer Bartolini, et voilà ce qu’il nous envoie. Le buste florentin peut aller de pair avec la toile de M. Bruloff. Les gazettes milanaises ont fait au Dernier jour de Pompei une gloire qui s’est accréditée dans toutes les capitales de l’Europe. Aujourd’hui nous avons le chef-d’œuvre, et le courage nous manque pour le railler ; car l’impuissance et la vulgarité méritent autre chose que la moquerie.

Nous attendions les trophées de M. Etex, destinés à l’arc de l’Étoile. Ces trophées ne sont pas venus. Une maladie douloureuse enlève pour quelques mois le jeune artiste à ses travaux. Le buste de M. Charles Lenormant, de M. Etex, est une étude assez facilement faite, mais incomplète sous le double rapport de l’art et de la réalité. Les plans du modèle sont simples, j’en conviens, mais ils