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enfoncement, était non plus le grabat de Trude, mais un bon lit suisse aussi large que long ; à gauche était le cabinet où le voyageur avait été assassiné. J’allai à la porte de ce cabinet, je l’ouvris, une table était servie, attendant les hôtes qui passent journellement ; je regardai le plancher, il me semblait que j’allais y retrouver les traces du sang.

— Que cherchez-vous, monsieur, me dit l’hôte, avez-vous perdu quelque chose ?

— Comment, dis-je, répondant à ma pensée et non à sa demande, avez-vous eu l’idée de faire de ce cabinet une salle à manger ?

— Pourquoi pas ? fallait-il y mettre un lit comme l’avait fait mon prédécesseur ? Un lit est chose inutile ici, où peu de voyageurs s’arrêtent pour passer la nuit.

— Je le crois bien, après l’événement affreux dont cette cabane a été témoin…

— Allons ! encore un, grommela l’hôte entre ses dents, avec une expression de mauvaise humeur qu’il ne cherchait pas même à cacher.

— Mais vous, continuai-je, comment avez-vous eu le courage de venir habiter cette maison ?

— Je ne suis pas venu l’habiter, monsieur, elle a toujours été à moi.

— Mais avant d’être à vous ?

— Elle était à mon père.

— Vous êtes le fils de Kuntz ?

— Je ne me nomme pas Kuntz, je me nomme Hantz.

— Oui, vous avez changé de nom, et vous avez bien fait.

— Je n’ai pas changé de nom, et Dieu merci, j’espère n’en changer jamais.

— Je comprends, me dis-je à moi-même, Werner n’aura pas voulu…

— Tenez, monsieur, expliquons-nous, me dit Hantz.

— Je suis bien aise que vous alliez au-devant de mes désirs, je n’aurais pas osé vous demander de détails sur des évènemens qui paraissent vous toucher de si près, tandis que maintenant vous allez me dire… n’est-ce pas ?

— Oui, je vais vous dire ce que j’ai dit vingt fois, cent fois,