Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
IMPRESSIONS DE VOYAGES.

qu’il revienne un poète ici, que j’en retrouve un, qu’il m’en passe un entre les mains, ah ! il paiera pour son camarade.

— Comment ! rien de ce que raconte Werner n’est arrivé !

— Mais rien du tout, c’est-à-dire pas la moindre chose. — Mon hôte trépignait.

— Mais alors, je conçois que les questions que l’on vous fait là-dessus doivent être fort ennuyeuses pour vous. — Ennuyeuses, monsieur ! dites… Il prit ses cheveux à deux mains… Dites, il n’y a pas de mots, voyez-vous. C’est au point qu’il ne passe pas une ame vivante, qu’elle ne nous répète la même chanson. Tant que la faux et le couteau sont restés là : — Tenez, disait-on, voilà la faux et le couteau. — Mon père les a enlevés un jour, parce qu’à la fin ça l’embêtait d’entendre toujours répéter la même chose. Alors ç’a été une autre antienne. — Ah ! ah ! disaient les voyageurs, ils ont retiré la faux et le couteau ; mais voilà encore le cabinet. — Diable ! — Oui. — Oui, ma foi, c’est vrai. — Ah ! monsieur, c’était à se manger le cœur, ils en ont abrégé la vie de mon père de plus de dix ans. Entendre dire de pareilles choses sur la maison où l’on est né, l’entendre dire par tout le monde, et cela chaque jour que Dieu fait, et plutôt deux fois qu’une encore, c’est à n’y plus tenir ; je donnerai la baraque pour cent écus. Oui, je ne m’en dédis pas, voulez-vous me l’acheter cent écus ? je vous la donne, et le mobilier avec, et je m’en irai, et je n’entendrai plus parler ni de Werner, ni de Kuntz, ni de la faux, ni du couteau, ni du 24 février, ni de rien.

— Voyons, voyons, mon hôte, calmez-vous, et faites-nous à dîner, cela vaudra mieux que de vous désespérer.

— Qu’est-ce que vous voulez manger ? répondit notre homme, se calmant tout à coup, et levant le coin de son tablier qu’il passa dans sa ceinture.

— Une volaille froide.

— Ah ! oui, une volaille ! cherchez-en une ici. C’était bien autre chose quand on voyait des poules. Il a mis une poule dans son affaire ; je vous demande un peu, une poule !… faut croire qu’il ne les aimait pas, ou bien alors c’était une rage.

— Tout ce que vous voudrez, peu m’importe ; vous me préparerez cela pendant que j’irai faire un tour dans les environs.