Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
REVUE. — CHRONIQUE.

M. Blin de Bourdon, l’ancien préfet du Pas-de-Calais et de l’Oise, qui travailla si fort en 1824 les élections dans ce dernier département, et M. Jacquinot de Pampelune, dont le nom se rattache aux plus tristes souvenirs qu’ait laissés la restauration ; cette nuance est la plus active, la plus envahissante des trois. Quelques pas encore dans la route qu’il poursuit, et le ministère se trouvera au niveau du banc où siégeront ces nouveaux membres ; M. de Balzac pourra bien alors, sans trop d’efforts, devenir secrétaire-général de M. Thiers, M. Blin de Bourdon passer préfet, et M. Jacquinot de Pampelune reprendre sa place de procureur-général, qu’il remplirait aussi convenablement que M. Persil et M. Martin (du Nord). Qu’a fait M. Jacquinot de Pampelune que n’aient fait ou que ne feront ces messieurs ? Il a vanté les cours prévotales comme M. Persil vante les conseils de guerre ; il a voté pour tous les projets ministériels contre la liberté de la presse, comme ferait demain M. Martin, s’il y avait lieu ; il a demandé que non-seulement les auteurs, mais les libraires et les imprimeurs fussent responsables, comme le demandent tous les gens du roi de juillet ; il a voulu que les prévenus arrêtés fussent privés de toute communication avec leurs avocats et leurs défenseurs, comme le procureur-général près de la cour des pairs vient de faire pour M. Marrast ; il s’est opposé constamment à ce que le jury fût investi de la connaissance des délits de la presse ; il s’est montré, toute sa vie, l’ennemi cruel de toute liberté, de toute publicité ; en vérité, c’est un homme qui manque essentiellement à ce ministère.

Le parti légitimiste, en qui l’on ne peut méconnaître quelquefois des lueurs de cet esprit de finesse et d’ironie qui caractérise les salons du faubourg Saint-Germain, a tellement reconnu cette identité, qu’il s’est hâté d’expédier à la chambre et M. de Balzac, et M. Blin de Bourdon, et surtout M. Jacquinot de Pampelune, avec la double mission de se rallier au pouvoir, de le ruiner comme ils ont ruiné celui qu’ils servaient autrefois avec tant de zèle, et aussi d’ouvrir la porte des affaires à leurs amis, qui porteront la sape dans l’intérieur de l’édifice. On peut prévoir avec quelque certitude que cette nuance de l’opposition royaliste votera souvent avec le ministère : non pas qu’elle se propose absolument d’aller à lui, mais parce qu’infailliblement le ministère se rapprochera d’elle par la seule force des choses.

M. Berryer et ses amis, peu nombreux à la chambre, mais énergiques et éloquens, hâteront ce moment par la vivacité et la nature de leur opposition. Ceux-là représentent le parti légitimiste que se refuse à représenter légalement M. de Chateaubriand ; celui qui n’a conservé de l’ancien régime que ses affections personnelles, et qui ne prétend gouverner