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sans exception, mais les principaux des Austrasiens commençaient à être gagnés, et, se rendant sur son passage, ils lui juraient fidélité, soit pour obtenir en retour des terres du fisc, soit pour s’assurer une protection dans le désordre qui menaçait leur pays. Un seigneur, nommé Godin ou Godewin, reçut, pour prix de sa défection, de grands domaines dans le voisinage de Soissons ; et le gardien de l’anneau royal ou du grand sceau d’Austrasie, le référendaire Sig ou Sigoald, donna le même exemple, qui fut suivi par beaucoup d’autres[1].

Attérée par son malheur et par ces tristes nouvelles, Brunehilde ne savait que résoudre, et ne pouvait se fier à personne ; le vieux palais impérial qu’elle occupait au bord de la Seine était devenu une prison pour elle et pour ses trois enfans ; quoiqu’elle n’y fût pas gardée à vue, elle n’osait en sortir et reprendre le chemin de l’Austrasie, de peur d’être arrêtée ou trahie dans sa fuite, et d’aggraver encore une situation déjà si périlleuse[2]. Convaincue de l’impossibilité de fuir avec sa famille et ses bagages, elle conçut l’idée de sauver au moins son fils, qui, tout enfant qu’il était, faisait trop d’ombrage à l’ambition de Hilperik pour que sa vie fût épargnée. L’évasion du jeune Hildebert fut préparée dans le plus grand secret par le seul ami dévoué qui restât à sa mère ; c’était le duc Gondobald, le même qui, deux ans auparavant, avait si mal défendu le Poitou contre l’invasion des Neustriens. L’enfant, placé dans un grand panier qui servait aux provisions de la maison, fut descendu par une fenêtre et transporté de nuit hors de la ville. Gondobald, ou, selon d’autres récits, un homme moins capable que lui d’inspirer des soupçons, un simple serviteur,

  1. Godinus autem, qui à sorte Sigiberti se ad Chilpericum transtulerat, et multis ab eo muneribus locupletatus est… Villas verò quas ei rex à fisco in territorio suessionico indulserat… Greg. Turon. Hist., lib. v ; apud Script, rerum francic., tom. ii, pag. 233. — Siggo quoque referendarius, qui annulum regis Sigiberti tenuerat, et ab Chilperico rege provocatus erat… Multi autem et alii de his qui se de regno Sigiberti ad Chilpericum tradiderant… Ibid., pag. 234.Sig est un diminutif familier.
  2. Igitur, interempto Sigiberto rege, Brunichildis regina cum filiis Parisius residebat. Quod factum cùm ad eam perlatum fuisset, et, conturbata dolore et luctu, quid ageret ignoraret… Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 233.