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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

excitait sa jalousie et son dépit. Elle désirait leur mort ; et celle de Theodebert, tué l’année précédente, lui avait causé une grande joie[1]. Merowig, comme chef futur de la famille, était maintenant le principal objet de son aversion et des persécutions sans nombre qu’elle avait l’art de susciter contre ceux qu’elle haïssait. Le jeune prince aurait voulu quitter Braine et aller retrouver à Rouen celle dont les regards et peut-être les paroles lui avaient fait croire qu’elle l’aimait ; mais il n’avait ni moyens ni prétexte pour tenter sûrement ce voyage. Son père lui-même, sans se douter de ce qu’il faisait, lui en fournit bientôt l’occasion.

Hilperik, peu fertile en projets nouveaux, mais d’une ténacité imperturbable pour ceux qu’il avait une fois résolus, après avoir réglé de son mieux les affaires de la Neustrie, songea à faire une quatrième tentative sur les villes qui avaient été le sujet d’une guerre de cinq années entre son frère et lui. Ces villes, reprises par les généraux austrasiens un peu avant la mort de Sighebert, venaient toutes de reconnaître l’autorité de son fils, à l’exception de Tours, dont les habitans, séduits par les manœuvres de leur ancien comte, Leudaste, Gaulois d’origine et partisan dévoué du roi Hilperik, avaient prêté serment à ce roi. Il s’agissait donc d’entreprendre encore une fois cette campagne si souvent recommencée contre Poitiers, Limoges, Cahors et Bordeaux. Entre les deux fils qui lui restaient depuis la mort de Theodebert, Hilperik choisit, pour commander la nouvelle expédition, celui qui ne s’était pas encore fait battre : c’était Merowig. Son père lui confia une petite armée, et lui ordonna de prendre, à sa tête, le chemin du Poitou[2].

Cette direction n’était pas celle que le jeune homme aurait suivie de préférence, s’il eût été libre de marcher à sa fantaisie ; car il avait dans le cœur une tout autre passion que celle de la gloire et des combats. En cheminant à petites journées vers le cours de la Loire avec ses cavaliers et ses piétons, il pensait à Brunehilde, et

  1. Eò quod Gundehramnus Fredegundis reginæ occultis amicitiis potiretur pro interfectione Theodoberti. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 246.
  2. Chilpericus verò filium suum Merovechum cum exercitu Pictavis dirigit. Ibid., pag. 233.