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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

ordonna qu’il fût gardé à vue jusqu’à ce qu’une résolution définitive eût été prise à son égard[1].

Quelques jours après, une ambassade, envoyée par les seigneurs qui gouvernaient l’Austrasie au nom du jeune Hildebert, et chargée de désavouer la tentative de Godewin comme un acte de guerre privée, se rendit auprès de Hilperik. Le roi affecta un si grand amour de la paix et tant d’amitié pour son neveu, que les envoyés ne craignirent pas de joindre à leurs excuses une demande dont le succès était fort douteux, celle de la mise en liberté de Brunehilde et de ses deux filles. Dans toute autre circonstance, Hilperik se fût bien gardé de relâcher, à la première requête, un ennemi tombé en son pouvoir ; mais frappé de l’idée que l’épouse de Merowig bouleverserait son royaume, et saisissant l’occasion de faire avec bonne grâce un acte de prudence, il accorda sans peine ce qu’on lui demandait[2]. À cette révocation inespérée des ordres qui la retenaient en exil, Brunehilde s’empressa de quitter Rouen et la Neustrie au plus vite, comme si la terre eût tremblé sous ses pieds. Dans la crainte du moindre retard, elle brusqua ses préparatifs de voyage, et résolut même de partir sans son bagage, qui, malgré l’énorme diminution qu’il avait subie, était encore d’une grande valeur. Plusieurs milliers de pièces d’or et plusieurs ballots renfermant des bijoux et des tissus de prix furent confiés par son ordre à l’évêque Prætextatus, qui, en acceptant ce riche dépôt, se compromit une seconde fois et encore plus gravement que la première pour l’amour de son filleul Merowig[3]. Partie de Rouen, la mère

  1. Spoliatumque ab armis, datis custodibus, liberè custodiri præcepit, tractans quid de eo in posterum ordinaret. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 233. — Adriani Valesii Rerum francic. lib. x, pag. 73.
  2. Tunc quoque Chilpericus legationem suscepit Childeberti junioris, nepotis sui, petentis matrem suam sibi reddi Brunichildem. Cujus ille non aspernatus preces, eam cum munere pacis poscenti remisit filio. Aimoini monachi Floriac., de Gestis Franc. ; apud Script, rerum francic., tom. iii, pag. 73.
  3. Duo volucra speciebus et diversis ornamentis referta quæ adpreciabantur ampliùs quàm tria millia solidorum. Sed et sacculum cum numismatis auri pondere tenentem quasi millia duo… quia res ejus, id est quinque sarcinas, commendatas haberem… Greg. Turon. Hist, lib. v, pag. 245.